Le Credo des jésuites
Le Credo des jésuites
Nous avons une foi si grande
Que pas un de nous n’appréhende
D’offenser Dieu mortellement
Car plus tôt le péché s’efface
Par la vertu du Père Ignace
Que nous n’avons dit seulement
Credo in Deum
Si la foi peut d’une montagne
En faire une rase campagne
Suivant la parole de Dieu
N’oserons-nous pas entreprendre
Grand roi d’Espagne de le rendre
Et faire nommer en tout lieu
Patrem omnipotentem
Car notre troupe tient si chère
La mémoire de notre Père,
Mais chère à tout le genre humain
Que l’Espagne est notre patrie
Et pouvons sans idolâtrie
L’honorer comme souverain
Creatorem
Nos manteaux traînant jusqu’à terre
Au collet armés comme en guerre
Nos grands chapeaux en mécontents
Parmi le peuple et l’ignorance
Nous ont acquis tant de créance
Que l’on tient comme régents
Coeli et terrae
Pendant que la France s’efforce
D’assoupir un jour le divorce
De la créance des François
La Sorbonne pleine d’envie
Tenait que notre Compagnie
Doit s’élever contre les rois
Et in Jesum Christum
Mais cette troupe mal instruite
De l’humeur d’un vrai jésuite
Nous rend tout prince indifférent.
Ce sont charlatans, on vous pipe,
Nous servions le feu roi Philippe
Et servirons fidèlement
Filium eius unicum
Si comme le reste des hommes
Nous aimions tous lieux où nous sommes
Ce serait n’avoir point d’amour
Que régissant qu’une province
Que l’avantage du seul prince
Nous saurons établir un jour
Dominum nostrum
Car parmi la vue baissée
Nous relevons notre pensée
Et retenons dedans le sein
Plus que nous ne faisons paraître
Qui conceptus est
Quand quelquefois on nous provoque
Par un subtil mot d’équivoque
De nos fines instructions
Nous savons par mainte manière
Déguiser toutes les matières
Et donner mille inventions
De spiritu
Notre esprit plus gonflé de gloire
Qu’un Suisse n’est après bien boire
Pour être feint faux et madré
Se rend aux princes redoutables
Mais ce qui est plus admirable
C’est qu’il est craint par le Sacré
Sancto
S’il arrive qu’il favorise
Quelqu’autre prince de l’Église
Au dommage de notre roi
Par poison ou par médisance
Nous en saurons prendre vengeance
Sans en avoir recours à toi
Natus ex Maria Virgine
Si notre secte pouvait être
Et se maintenir sans un maître
Adroite à jouer du couteau
Pauvre France déjà l’Espagne
Etait de ton malheur compagne
Et Philippe dans le tombeau
Passus
Mais quelque meurtre que l’on fasse
Quelqu’assassinat que l’on brasse
Nous ne pouvons être surpris
Aussitôt nos mains sont louées
Par pleurs et larmes cottonées [sic]
Sont préceptes qu’avons appris
Sub Pontio Pilato,
Celui qu’on dresse à tel affaire
De longtemps apprend à se taire
Et n’accuser point l’innocent
Souffrir plutôt mille supplices
Que découvrir ses complices
Et d’être enfin cruellement
Crucifixus
Si l’on pouvait sans être traître
Faire service à plus d’un maître
Nous devrions aimer chèrement
Ce grand monarque de la France
Mais par le vœu d’obédience
Nous l’avons rendu maintenant
Mortuus et sepultus
Les voisins étaient en alarmes
Seulement au bruit de nos armes
Et nous jésuites en deuil
Aux choses du tout déplorées
Nos drogues sont tôt préparées
Le voilà dedans le cercueil
Descendit
Ne t’étonne pas si nos pères
Ont su les nouvelles premières
De sa mort avant son trépas
Nous usons souvent de magie
Car ce que le Ciel nous dénie
Notre refuge en est là-bas
Ad infernos
L’on jugerait à notre mine
Notre troupe toute divine
Rien que piété dans le cœur
Nous trompons ainsi les faciles
Mais ceux qui sont le plus habiles
Reconnaîtront notre humeur
Tertia die
En cela nous suivons la trace
Que fraya le bon Père Ignace
Par feinte révélation
Autrement sa nouvelle secte
Allait méditant sa retraite
Mais par telles inventions
Resurrexit
Ses os ont guéri la gravelle
Mis sur le dos d’une pucelle
Quoique fera Père Coton
Si un enfant prend de lui vie
Son âme au Ciel étant ravie
Il se lèvera de son seul nom
A mortuis.
Si quelque bonheur nous arrive
Pour moindre sujet que saint Yves
Nos miracles vont s’élevant
Ne requiers donc si tu es sage
De ce saint Père le passage
La raison pourquoi et comment
Ascendit ad caelos
Ainsi malgré les adversaires
Nous avançons les affaires
En haut en bas en tous endroits
Notre agent au Ciel est Loyole
Ça bas notre troupe espagnole
Toujours a l’oreille des rois
Sedet
Nous portons la face fripée
Bonne à prendre un diable en pipée
Nos collets gras comme lard
Nous contrefaisons les apôtres
Bardés de grosses patenôtres
Qu’avons sans cesse en papelard
Ad dextram
Cette humeur plus je la contemple
Est différente de l’exemple
Que nous a donné Jésus-Christ
Mais cela je te veux bien dire
Qu’au jésuite il doit suffire
D’avoir le titre par écrit
Dei
De se renfermer dans un cloître
Sans un jour se faire connaître
Nous ferions de mauvais repas
Et lors que deviendraient nos brigues
Nos sourdes menées nos ligues
Et l’accroissement des Etats
Patris
Ce n’est pas le but de notre ordre
Qui ne peut entendre à démordre
Les bénéfices et la Cour
Car la marmite renversée
Nous tirerait de la pensée
L’honneur et le zèle et l’amour
Omnipotentis
Aussi mon ami faut-il croire
Qu’après bonne chère et bien boire
Un de nos pères sur un lit
Trouvant une religieuse
Culbutera la malheureuse
Sans deviner que l’Antéchrist
Inde venturus est
Cependant par notre ménage
Nous avons pris cet avantage
S’il faut assassiner des rois
Que notre seule compagnie
Prononce sur la tyrannie
Car elle peut selon les lois
Iudicare
Si l’Angletere et l’Allemagne
Et la France comme l’Espagne
De pouvoir nous pouvaient combler
Nous mettrions bientôt en terre
Les desseins de faire la guerre
Et catholiquement troubler
Vivos et mortuos
L’on nous reprochera peut-être
Qu’ayant le nom de notre maître
Nous ne devons être tachés
Du sang épandu de nos frères
Qu’un jour ce seront desalteres [sic]
Dont nous serons fort empêchés
Credo
Mais le zèle qui nous possède
Ne trouvant point autre remède
Pour nous maintenir ici-bas
Dieu pardonna bien l’entreprise
De saint Pierre chef de l’Église
Pourquoi n’espérons-nous pas
In Spiritum Sanctum
Il y a deux points ce me semble
Pour jamais attachés ensemble
L’État et la religion
Que force écus on nous apprête
Que tout prince à nous se soumette
Et nous tiendrons en nos mains
Sanctam Ecclesiam
Pour la faire plus authentique
Il faut attaquer l’hérétique
Le dépouiller de tous ses biens
Ruiner les autres monastères
Nous en faire les donataires
Et nous l’aurons par ces moyens
Catholicam
Mais pour terminer notre affaire
Il nous faut essayer de faire
Nous dût-on courir comme des chiens
Sous l’espagnole et sa puissance
Un jour d’Angleterre et de France
Et de tous les pays chrétiens
[Sanctorum] communionem,
Pendant nous n’aurons point de cesse
Que le Français n’ait fait promesse
De nous complaire désormais
Et quitter Genève et sa bande
À l’alliance de Hollande
Autrement il n’aura jamais
Remissionem peccatorum,
Prophètes comme des sybilles
Nous prêchons telles évangiles
Et qui les va contredisant
Que son fondement se dessèche
Le monde et le diable l’accroche
Et l’éternel chatouillement
Carnis
Qu’il soit mangé de la vérole
D’écrouelles à l’espagnole
De chancre et de fièvre ici-bas
Que Lucifer et son escouade
Mette son âme en carbonade
Aussi bien ne verra-t-il pas
Resurrectionem
Mais qui d’une âme nette et pure
Croira comme Sainte Écriture
Ce que la troupe prêchera
Qui doublera notre finance
Nous lui donnerons assurance
Qu’après son trépas il aura
vitam aeternam
Amen.
Je dirais mon nom librement
Et maintiendrais assurément
La vérité de mes paroles
Comme l’on fait aux écoles
Il ne fallait que disputer
Mais quel plaisir de contester
Quand l’on craint la supercherie
Donnez caution de manie
Et du moule de mon pourpoint
Autrement je ne le dirai point.
BHVP, MS 551, p.3-10
Poésie farcie sur les jésuites. Tous les thèmes de la propagande contre le Société sont là dans un indescriptible désordre. Un parfait exemple de folie littéraire.