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Les Jeunes gens du siècle

Les jeunes gens du siècle1
Beautés qui fuyez la licence,
Évitez tous nos jeunes gens :
L’Amour a déserté la France
A l’aspect de ces grands enfants.
Ils ont par leur ton, leur langage,
Effarouché la volupté
Et gardé pour tout apanage
L’ignorance et la nullité.

Malgré leur tournure fragile,
A courir ils passent leur temps ;
Ils sont importuns à la ville,
A la cour ils sont importants.
Chacun d’eux sans appel décide ;
Au spectacle ils ont l’air méchant,
Partout la sottise les guide,
Partout le mépris les attend.

Pour eux, les soins sont des vétilles
Et l’esprit n’est qu’un lourd bon sens ;
Ils sont gauches auprès des filles,
Auprès des femmes indécents.
Leur jargon ne pouvant s’entendre,
Si leur jeunesse peut tenter
Ceux que le besoin a fait prendre,
L’ennui bientôt les fait quitter.

Sur leurs airs et sur leur figure
Presque tous fondent leur espoir ;
Ils font entrer dans leur parure
Tout le goût qu’ils pensent avoir.
Dans le cercle de quelques belles
Ils vont s’établir en vainqueurs,
Mais ils ont toujours auprès d’elles
Plus d’aisance que de faveurs.

De toutes leurs bonnes fortunes
Ils ne se prévalent jamais ;
Leurs maîtresses sont si communes
Que la honte les rend discrets.
Ils préfèrent, dans leur ivresse,
La débauche aux plus doux plaisirs ;
Ils goûtent sans délicatesse
Des jouissances sans désirs.

Puissent la volupté, les grâces,
Les expulser loin de leur cour,
Et favoriser en leurs places,
La gaieté, l’esprit et l’amour !
Les déserteurs de la tendresse
Doivent-ils goûter ces douceurs ?
Quand ils dégradent la jeunesse,
En doivent-ils cueillir les fleurs ?

  • 1« Cette chanson, meilleure que celles que fait ordinairement M. de Champcenetz, mais cependant digne de lui par les incorrections, les platitudes et les défauts de bon sens qu’on y trouve en plusieurs endroits, par les expressions impropres, etc., après avoir été attribuée à MM. de Boufflers et Chamfort, lui reste décidément et on ne peut la lui contester aujourd’hui. M. de Roncherolles se reconnaissant à coup sûr dans ce portrait des jeunes gens du jour, dit, en présence de plusieurs officiers aux gardes, que l’auteur du vaudeville en question méritait des coups de bâton Les camarades de M. de Champcenetz n’ignorant pas qu’il passait pour l’être et ne s’en défendait pas, crurent devoir l’avertir du propos. M. de Champcenetz, en conséquence, est allé trouver M. de Roncherolles et lui a demandé raison ; ils se sont battus et ont été blessés tous deux avant‑hier, mais légèrement. M. de Champcenetz, tout glorieux, n’a pas manqué de se montrer aujourd’hui à l’Opéra. » (R)

Numéro
$1523


Année
1783

Auteur
Champcenetz (marquis de)



Références

Raunié, X,77-79 - BHVP, 4-RES-0323, f°10r-11r