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Dialogue entre le C[ul] et le C[on]

Dialogue entre le C[ul] et le C[on]

 

Le C[on]

Oh, mon voisin, peut-on parler sans crainte ?

 

Le C[ul]

Volontiers

 

Le C[on]

J’ai fort à me plaindre

 

Le C[ul]

Quoi ! de moi, mon voisin ?

 

Le C[on]

Oui. Depuis fort longtemps

Vous m’enlevez tous mes chalands.

 

Le C[ul]

Bon Dieu, vous moquez-vous du monde ?

Mon voisin, vous vous trompez fort.

Une petite porte ronde

Peut-elle vous faire aucun tort ?

Je n’occupe sur le derrière

Qu’un très petit appartement,

Tandis qu’en porte très cochère

Vous étalez sur le devant.

 

Le C[on]

Oh ! ne me vantez pas ce funeste avantage,

Vous allez irriter une vive douleur.

Ce magnifique abord, ce pompeux étalage

Est la source de mon malheur

 

Le C[ul]

Mais que voulez-vous que j’y fasse ?

 

Le C[on]

Si vous pouviez vous élargir…

 

Le C[ul]

Ah, mon voisin ! c’est votre grâce,

C’est à vous de vous rétrécir.

 

Le C[on]

Mettez donc un peu plus d’espace

Entre votre étal et le mien.

 

Le C[ul]

Mais vous n’y songer pas, tout le monde sait bien

Pour nous approcher l’un de l’autre

Que très visiblement vous rognez le pilier

Qui doit mettre en particulier

Ma boutique d’avec la vôtre.

 

Le C[on]

Voulez-vous nous associer ?

 

Le C[ul]

Serviteur. Chacun son métier.

Le plus adroit apothicaire

Est pour me donner un clystère

Et risque de faire un faux-pas.

Ah, ma fois ! je n’y puis que faire

Si l’’amour ne s’y trompe pas.

 

Le C[on] d’humeur fort babillarde

Eût répliqué, mais il n’eut garde,

Car son voisin qui lui fit paix,

Fit qu’il ne dit plus mot après.

Numéro
$7922





Références

F.Fr.9352, f°75r-76r