Dialogue entre la France et la Pologne
Dialogue entre la France et la Pologne
sur le rétablissement du roi Stanislas sur son trône
La France
Jadis pour satisfaire à tes vœux empressés
Je t’accordai mon sang1
qui porta ta couronne.
Bientôt à son rappel mes droits intéressés
Réunirent nos noms en la même personne.
Aujourd’hui par ton sang voyant fleurir mes lys
Je sais armer le mien de toute sa puissance.
Pour soutenir tes droits et par notre alliance,
Mes droits sont assurés et les tiens rétablis.
La Pologne
Des droits des potentats arbitre et vengeresse,
Mère des vrais héros, fille de la vertu,
France, dans ce grand jour quels honneurs me rends-tu ?
Quand dans mon sein nourrie, une auguste princesse
S’en vit presque en naissant arracher par le sort
Dans celui du héros dont elle tient la vie.
En préservant le sien des injures du nord
Tu préparais dès lors le beau nœud qui la lie
Et de ce même sein quand la fécondité
Éternise tes lys et la félicité.
Par un prix bien plus grand son âme bienfaisante
Te payant de tes soins surpasse ton attente.
Mais nous, pour satisfaire au plus doux de nos vœux
Nous déchirons ce sein, lui ravissant un père
En vain nous couronnons une tête si chère
Elle se sacrifie en nous rendant heureux.
La France
De son cœur généreux tel est le caractère.
Sur son devoir toujours réglant ses mouvements
En la fortune adverse ainsi qu’en la prospère,
Toujours supérieur à tous événements
Modelé sur celui d’un père magnanime
Qui, grand dans ses succès, plus grand dans ses malheurs
En perdant ses États se conservant les cœurs
Des peuples et des rois sut mériter l’estime
Les grands cœurs ne sont point relevés, abattus,
Trônes donnés, ôtés, rendus, fruits d’hyménées
Tout se rapporte au ciel, qui fait leur destinée
En couronnant leur front couronne leurs vertus.
- 1Henri III (M.).
F.Fr.13659, p.144-45