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Dialogue entre Barcelone et Girone

Dialogue entre Barcelone et Girone

 

Barcelone

Ma pauvre voisine, Girone,

Ton visage est fort abattu.

Dis-moi, comment te trouves-tu

D’être sous une autre couronne ?

Déclare-moi sincèrement,

Te plais-tu dans ton changement ?

 

Girone

Puisque tu veux que je réponde

Au nom de tous habitants,

Ils sont, mal foi, les plus contents,

Je dis, les plus contents du monde

Et sans façon je te soutiens

Qu’ils sont plus heureux que les tiens.

 

Barcelone

Contre ton sentiment tu parles

Car tu dois t’être repenti

D’avoir renoncé au parti

De notre bon monarque Charles

Et je m’assure qu’en secret 

Tu en as un mortel regret.

 

Girone

D’avoir choisi Charles pour maître

Je rougis sans cesse à loisir.

Ce qui me l’avait fait choisir

N’était qu’un faux conseil des traîtres.

Leur adresse avait suborné

Mon esprit un peu trop borné.

 

Barcelone

Qui pourrait sans dépit entendre

Ton lâche et vilain procédé,

D’avoir honteusement cédé

Quatre forts s’y pouvant défendre.

Ton gouverneur si arrogant

Se rend comme on présente un gant.

 

Girone

J’ai signé, mais de bon courage.

C’était là l’unique moyen

De préserver le citoyen

Du feu, du meurtre et du pillage.

Je t’en prends toi-même à témoin,

En ce cas en ferais-tu moins ?

 

Barcelone

Contre ta sotte bourgeoisie

Chacun de nous fut indigné

Quand on sut qu’elle avait signé

Cette espèce d’apostasie.

Pour passer ce contrat nouveau

La peur a troublé son cerveau.

 

Girone

Tu saurais apprendre à te taire

Tu changerais cet air moqueur,

Si tu pouvais sonder mon cœur

Et voir son retour volontaire

Sétant soumis de bonne foi

Au digne et véritable Roi.

 

Barcelone

Je t’excuse, car c’est la force

Et la dure nécessité

Qui t’ont contraint, pauvre cité,

De faire ce cruel divorce.

Je veux croire que mon vainqueur,

Charles, règne encor dans ton cœur.

 

Girone

La rébellion étant un crime

En horreur, surtout aux chrétiens,

Prends donc le parti que je tiens

De mon souverain légitime

Et tu béniras le moment

Que tu auras prêté serment.

 

Barcelone

A sermonner tu t’émancipes

Mon serment me doit plus coûter.

Crois-tu que je veuille goûter

Du gouvernement de Philippe ?

Ses droits, on a beau nous vanter,

Je n’ai garde de t’imiter.

 

Girone

Pour maître c’est le bon principe.

Ma conscience en sûreté,

J’ai juré la fidélité

Au redoutable Roi Philippe.

La raison, le droit, l’équité,

Ont fait que Charles j’ai quitté.

 

Barcelone

Pour sauver seulement tes coffres,

Pour toi le parjure est un jeu.

D’un serment tu te soucies peu.

Lorsqu’à notre ennemi tu t’offres

La seuel contrainte et l’effroi

T’ont réduite à changer de roi.

 

Girone

Noailles a renoué l’hyménée,

Voyant que j’avais fait faux bond,

Ô mon cher époux de Bourbon

Heureusement m’a ramenée

Et de bon cœur m’a fait jurer

La foi qui va toujours durer.

 

Numéro
$6886


Année
1711




Références

Clairambault, F.Fr.12695, p.115-20 - Maurepas, F.Fr.12627, p.83-86