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S

Un de Messieurs les Quarante,

Coupe-gorge de l’État,

D’Augry1 jouissant de rente

Provenant de péculat

À nos yeux palais présente

Où le luxe et en éclat.

 

Si vous frappez à sa porte

Pour voir son beau logement :

Êtes-vous de sa cohorte2 ?

Dit le Suisse brusquement.

Les seuls seigneurs de sa sorte

Entrent dans l’appartement.

 

Sans sortir du voisinage

Brille l’hôtel de Dupleix,

Très célèbre personnage

Qui n’est rienmoins que simplex,

Docteur en agiotage,

Digne du nom de Triplex.

 

Un tendron3 de son lignage

Doit, dit-on, passer contrat.

Le Mogol lui fait message

Avec pompeux apparat

Et procède au mariage

Ennuyé du célibat.

 

À présent l’on voit en France

S’élever plus d’un vilain

Tout étant hors de cadence

L’honnête homme et le faquin

Mis dans la même balance

Avec noble et galopin.

 

Un calculateur habile

Qui ferait dénombrement

Des publicains de la ville

Pleins de faste insolemment

En compterait bien dix mille

Qui volent assurément.

 

Si j’avais quelque puissance,

Ces Messieurs-là d’aujourd’hui,

Bouffis de leur opulence,

Les auteurs de notre ennui

Subiraient tous la sentence

D’Enguerrand de Marigny4 .

 

  • 1D’Augry, fermier général.
  • 2Cette réponse fut faite à peu près dans les mêmes termes à un homme qui ne s’y attendait point ; c’est à M. d’Epinay, pour en conserver le souvenir qu’il a composé cette chanson.
  • 3Le bruit est répandu dans Paris que le Grand Mogol épouse la fille de M. de Bacancourt, gouverneur de Pondichéry, frère de M. Dupleix.
  • 4Enguerrand de Marigny, ministre des finances sous le règne de Louis X, fut pendu au gibet de Montfaucon en 1515 pour cause de maversation et pour avoir surchargé le peuple d’impôts.

Numéro
$6775


Année
1750




Références

Mazarine Castries 3989, p.362-64