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La Bataille d’Ouessant

La bataille d’Ouessant1
Écoutez bien la nouvelle
Que je vais vous raconter,
Le récit est très fidèle,
Vous pouvez tous y compter ;
Il s’agit de notre gloire,
De valeur et de succès ;
Dès qu’on parle de victoire
Ça regarde les Français.

D’Orvilliers, hors de la Manche,
Arborait depuis longtemps,
Pavillon et flamme blanche
Entouré de braves gens.
Keppel paraît, on le pique ;
Animé par le dépit,
Il va comme un hérétique
Attaquer le Saint-Esprit2 .

Aisément on imagine
Qu’en voyant ce furibond,
Le Saint-Esprit l’illumine
D’une nouvelle façon ;
D’Orléans, qui vient combattre,
Faisant pointer ses canons,
Se bat comme un Henri quatre ;
C’est l’usage des Bourbons.

D’Orvilliers3 , qui partout veille,
Chauffe l’anglais amiral,
Qui baisse bientôt l’oreille
Devant l’affreux bacchanal.
Que faire ? A quoi se résoudre ?
Il se sauve au fil de l’eau,
Disant qu’il a vu la foudre
Embraser tout son vaisseau.

Poursuivant ce téméraire,
Nos trois braves généraux,
Sur les côtes d’Angleterre
Ont fait briller leurs fanaux ;
Keppel4 , en ruse fertile,
A bientôt su leur prouver
Qu’un marin vraiment habile
Sans fanaux peut se sauver.

Sartine accourt de Versailles,
La joie était dans son cœur ;
Louis apprend la bataille
Avec le nom du vainqueur ;
Quel doux transport d’allégresse
Produit cet exploit fameux !
Tout lui plaît, tout l’intéresse
Dans ses sujets valeureux.

D’un avenir bien sinistre,
Je vois l’Anglais menacé ;
Laissons faire ce ministre
Il a si bien commencé ;
Avant la fin de la guerre
Il fera, je le prédis,
La police en Angleterre,
Comme il l’a faite à Paris5 .

  • 1« Tandis qu’à Paris on persifle M. le duc de Chartres sur sa prétendue victoire, remportée dans le combat naval d’Ouessant, nos forts retentissent de chansons à sa gloire et à la gloire du ministre, en voici une faite à Bordeaux par le fils d’un négociant nommé Péricy. » (Mémoires secrets)
  • 2C’était le nom du vaisseau que montait le contre-amiral Lamotte‑Piquet et sur lequel était embarqué le duc de Chartres. (R)
  • 3Louis Guillouet, comte d’Orvilliers (1705‑1791), fils d’un gouverneur de la Guyane française, était entré en 1728 dans la marine où il se distingua, notamment sous les ordres de la Galissonnière, durant la guerre de Sept ans. Nommé lieutenant général en 1777, il fut appelé au commandement de la flotte qui sortait de Brest pour aller tenir tête aux Anglais. Après la bataille d’Ouessant, il ne reprit la mer qu’au mois de juin 1779 et fit une campagne maladroite et inutile qui le couvrit de confusion et l’obligea à quitter le service. (R)
  • 4L’amiral Keppel, accusé d’incapacité et de lâcheté par sir Hugh Palliser, qui commandait l’aile gauche de la flotte anglaise, fut mis en jugement à Portsmouth, le 9 janvier 1779. Le procès dura un mois et se termina par l’acquittement de l’accusé, auquel les Chambres votèrent même des remerciements. (R)
  • 5Note: Si ces couplets ne sont point ironiques, on ne peut voir de flagornerie plus ridicule et plus indécente. (F.Fr.13653)

Numéro
$1452


Année
1778

Auteur
Péricy, fils d'un négociant bordelais



Références

Raunié, IX,171-74 - F.Fr.13653, p.1-3