Aller au contenu principal

Une Présentation à la cour

Une présentation à la cour1
On va présenter à la cour
La fille de Mimi Dancourt ;
La Comédie-Française,
Eh bien !
Doit en être fort aise ;
Vous m’entendez bien.

Son père est le fils d’un acteur,
Et son époux est un auteur
Dont on vient de l’Empire
Faire un comte pour rire.

Il compose à tort, à travers,
Il rime la prose et les vers,
Il croit que son génie
Honore sa patrie.

Sans l’audace dont il écrit,
Sa Tactique eût fait peu de bruit2 ;
Il pèse en sa balance
Les héros de la France.

Il donne des conseils aux rois,
Aux princes, aux grands, et je crois
Qu’il a sous presse un livre
Pour leur apprendre à vivre.

Il se croit le plus grand talent,
Mais le public qui le dément
Dit d’un ton lamentable :
Voyez le Connétable3 .


On a d’abord vanté partout
Ses talents, son esprit, son goût ;
Mais la pièce tombée, Eh bien !
Adieu la renommée.
Vous m’entendez bien.

  • 1Couplets sur la présentation à la cour de Mme la comtesse de Guibert, épouse du comte de Guibert, auteur de la Tactique et du Connétable de Bourbon tragédie (F.Fr.13652). — Le comte de Guibert avait épousé la fille de M. de Courcelle, commissaire des guerres, fils d’un comédien et frère de Mimi Deshayes. On lui reprocha cette alliance contractée, disait‑on, par intérêt. « Ce qui doit le justifier, écrit un contemporain, c’est l’approbation tacite de la Reine, qui depuis ne lui a pas retiré ses bontés et a même admis la femme à lui faire sa cour et à figurer dans ses bals. » (R)
  • 2L’Essai général sur la tactique publié en 1772, occupa vivement l’attention publique. Il était précédé d’un Discours sur l’état actuel de la politique et de la science militaire en Europe plein d’observations hardies qui motivèrent l’interdiction de l’ouvrage. Les militaires faisaient le plus grand cas de cet écrit, auquel le comte de Guibert fut redevable des fonctions importantes qu’il remplit sous le ministère de M. de Saint‑Germain. (R)
  • 3Guibert, qui avait de grandes prétentions littéraires, avait envoyé à l’Académie française, en 1774, un éloge de Catinat, auquel on n’accorda qu’un accessit. Il s’était également essayé dans le genre dramatique et avait composé le Connétable de Bourbon, tragédie qu’il lisait volontiers à ses amis et dont la réputation surfaite tomba dès qu’elle parut au théâtre. On la joua sans succès aux fêtes de la cour, lors du mariage de Madame Clotilde. « Les connaisseurs assurent, écrivaient les Mémoires secrets, qu’il est impossible de rien voir de plus mauvais, que non seulement le plan en est détestable, mais que la versification même est d’une platitude unique ; qu’il n’y a aucun vers de sentiment, ni de génie… Sans le respect dû au lieu et à Leurs Majestés présentes, l’on n’aurait pu s’empêcher de huer en quantité d’endroits et de témoigner ouvertement son indignation. »

Numéro
$1399


Année
1775




Références

Raunié, IX,56-58 - F.Fr.13652, p.421-22 -  BHVP, MS 699, f°20r-20v


Notes

Dans le même esprit, voir $1400