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La Mort du Dauphin

La mort du Dauphin1
Ne vous contraignez point, laissez couler vos pleurs,
Français, il méritait l’excès de vos douleurs,
Ce prince à qui le sort promit une couronne
Et que l’éclat du ciel à présent environne.
Bon père, tendre époux, enfant respectueux,
Maître affable et sensible, esprit juste et nerveux,
Quoique né près du trône, adoré pour lui-même,
Plus grand par ses vertus que par son rang suprême,
De la religion l’exemple et le soutien,
Connaissant l’amitié, pensant en citoyen ;
Tel était le Dauphin, quand la Parque cruelle
Précipita ses jours dans la nuit éternelle2 .
Comme un héros chrétien qui ne trouve ici-bas
Que des biens passagers qui ne l’affectent pas,
Ce prince en son printemps a vu d’un regard ferme
L’instant qui de sa vie avait marqué le terme.
Seul il était tranquille en cet affreux revers,
Tandis que de ses maux frémissait l’univers.
Mais hélas ! il n’est plus ! notre douleur profonde,
Nos pleurs, nos bras levés vers le maître du monde
N’ont pu le garantir de cet arrêt du ciel
Que le juste subit comme le criminel.
Maintenant, un tombeau que couvre un peu d’argile
De l’espoir des Français est le dernier asile.
On n’entend plus partout que leurs gémissements,
Le cri du désespoir forme tous. leurs accents ;
Et la mort elle-même, en voyant tant de gloire,
Pour la première fois a pleuré sa victoire.

  • 1Par M. Collet, chevalier de l’ordre de Saint-Michel et secrétaire des commandements de Madame infante (M) (R
  • 2« Le vendredi 20 décembre, vers les huit heures du matin, Louis, Dauphin de France, mourut à Fontainebleau âgé de trente‑six ans, trois mois et demi, d’une maladie de langueur qui durait depuis fort longtemps. Toute la cour qui y était depuis les premiers jours d’octobre, en repartit sur‑le‑champ pour Versailles. Le corps de ce prince fut ouvert et embaumé le même jour par le docteur Andouillet l’un des chirurgiens du Roi. M. le duc de Fronsac lui tint la tête pendant toute l’opération et reçut le cœur au sortir du corps. On ne lui trouva pour cause unique de mort que la moitié des poumons rongés par des ulcères et l’autre moitié absolument desséchée. Il avait demandé par son testament que son cœur fût porté à l’abbaye royale de Saint‑Denis, et son corps à Sens, pour y être inhumé dans le chœur de l’église cathédrale, au‑dessus du lutrin. »(Mes loisirs,  de Simon‑Prosper Hardy.) (R)

Numéro
$1238


Année
1765

Auteur
Collet



Références

Raunié, VIII,52-54