Critique sur la tragédie de Catilina par M. Crébillon
Critique sur la tragédie de Catilina par M. Crébillon
Qu’est devenu le goût, et quelle est la manie
De prendre pour l’effort d’un sublime génie
Une pièce où l’on voit dans le même moment
Passer du plus fol rire à l’applaudissement.
Du public prévenu est-ce sa décadence
Qui lui fait du phoebus admirer l’élégance
Et prendre d’un proscrit les insolents propos
Pour les traits décidés qui peignent les héros ?
Non, ces mots fastueux qu’il se flatte d’entendre
Ne remplaceront pas l’intérêt vif et tendre
Dont on ne vit jamais s’écarter un auteur
Qui voulut remplir l’âme en captivant le cœur.
De cet aveuglement, que diraient les Corneilles,
S’ils voyaient que les fruits de leurs savantes veilles
N’ont pu nous garantir de ces vaines erreurs
Et que, chanté par nous et couronné de fleurs,
Sans honte à leur côté au Temple de Mémoire
Ils vous vissent placer une méchante histoire
Qui de Catilina signalant les fureurs
Ne peut que flétrir l’âme et corrompre le cœur.
Clairambault, F.Fr.12719, p.35 - F.Fr.10478, f°286r - F.Fr.15153, p.1-2