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La Caisse d’escompte

La caisse d’escompte1
Arrêt pour l’établissement
D’une caisse d’escompte,
Qui produira par chacun an
Cinq millions de bon compte.
C’est pour remplacer un banquier2
Qui voudrait ses fonds retirer,
Qu’on établit
Et qu’on bâtit
Une si belle affaire.
Par ses biens, jugez du profit
Que le public va faire.
Le contrôleur,
Toujours docteur,
Et surtout grand calculateur,
A dit au Roi :
Sire, je crois
Qu’en formant nombre d’actionnaires
Vous ferez de bonnes affaires.
Dans ma place, j’ai su gagner
Du public la confiance,
A la caisse on ira verser
L’argent en abondance.
Directeurs je saurai nommer
Pour sagement administrer
L’argent qu’on fera fabriquer
A Pau, comme à Bayonne3
Chaque mois, je veux tout coter,
Parapher en personne ;
Je veux aussi, pour constater
Des profits la totalité,
Des balances en forme arrêter ;
Au moyen desdites balances,
On n’aura pas de défiances ;
Quinze richards il faut charger
De cette grande affaire.
Tous les ans il faut leur donner
Vingt mille livres d’honoraires4 ;
Surtout qu’ils ne soient pas garants
De banqueroute et d’accidents,
Car j’y ai mis
Tous mes amis
Et aussi mon beau-père5 ;
Ainsi, s’ils étaient poursuivis,
J’en paierais l’enchère.
Réservez-vous vingt mille actions,
Dont la Ferme fera les fonds,
Qu’elle paiera quand elle pourra.
Ce trait de fine politique
A tous fera la nique6 .

  • 1Caisse d’escompte pour faire la banque royale établie par M. de Laverdy, contrôleur général, par arrêt du conseil du 1er janvier 1767. Le public devait y être intéressé jusqu’à concurrence de quarante millions, mais il y avait si peu de confiance qu’on y a porté fort peu d’argent. (M.) « On chansonne tout : on a établi depuis peu une caisse d’escompte sur laquelle s’égaye la malignité du public. Nous consignons ici la chanson ci‑dessus, moins comme une pièce littéraire que comme une pièce historique et faisant anecdote. (Mémoires secrets)
  • 2M. de la Borde, banquier de la cour avant cette opération, bien voulu des uns, mal des autres, mais qui constamment avait fait en peu d’années une fortune considérable. (M.)(R
  • 3On donnait à cette caisse les profits de la fabrication des monnaies dans ces deux villes (M.)(R)
  • 4Quinze directeurs qui avaient chacun trois cents actions de mille livres chacune dans le fond de la caisse et qui devaient administrer tout. (M.)(R)
  • 5Le sieur Devins, ci‑devant marchand de drap, père de M. de Laverdy. (M.)(R)
  • 6 Il faut lire l’arrêt du conseil qui établit cette caisse d’escompte, pour entendre ce vaudeville (Mémoires secrets).

Numéro
$1253


Année
1767




Références

Raunié, VIII,77-78 - BHVP, MS 555, f°141r-142r - Mémoires secrets, II, 693-94 - F.Fr.13651, p.279-81