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Les Exploits du duc de Chartres

Les exploits du duc de Chartres1
Vous avez fait rentrer l’armée,
L’Angleterre, très alarmée,
Vous en louera.
Vous aurez, par cet avantage,
Et les lauriers et le suffrage
De l’Opéra.

Quoi ! vous avez vu la fumée ?
Quel prodige ! La renommée
Le publiera.
Accourez vite, il est bien juste
D’offrir votre personne auguste
A l’Opéra2 .

Tel, cherchant la toison fameuse,
Jason sur la mer orageuse
Se hasarda ;
Il n’en eut qu’une, et, pour vos peines,
Je vous en promets des douzaines
A l’Opéra.

Chers badauds, venez à la fête,
Accourez, criez à tue-tête :
Bravo ! brava !
Cette grande action de guerre
Est telle que l’on n’en voit guère
Qu’à l’Opéra.

Grand prince, poursuis ta carrière :
Paris à ton humeur guerrière
Applaudira.
Par de si nobles entreprises
A jamais tu t’immortalises
A l’Opéra3 .

  • 1Autre titre : Couplets à M. le duc de Chartres qui s’était fait voir à l’Opéra au retour de sa campagne navale(F.Fr.13653) - Voici des couplets très piquants que quelqu’un s’est permis d’adresser à M. le duc de Chartres, sur l’air de vaudeville Chansons, chansons (Correspondance secrète) -  C’est sur mer que commencèrent les hostilités entre la France et l’Angleterre. Les 17 et 18 juin, une escarmouche avait eu lieu entre quatre bâtiments français commandés par M. de la Clocheterie et quelques vaisseaux anglais, mais le premier grand fait d’armes de la guerre fut le combat d’Ouessant, livré le 27 juillet par le comte d’Orvilliers à l’amiral Keppel. La marine française, réorganisée par M. de Sartines, reprenait par un coup inattendu l’importance que lui avaient fait perdre les désastres de la guerre de Sept ans.
    « A la grande surprise de l’Europe, qui ne croyait pas que notre marine, détruite dans la dernière guerre, pût ressusciter si promptement, observe le comte de Ségur dans ses Mémoires, on vit, indépendamment de la flotte de M. d’Estaing envoyée en Amérique, une armée navale de trente-deux vaisseaux et de quinze frégates, sortir du port de Brest, sous les ordres du comte d’Orvilliers. Ces trois divisions étaient commandées par les amiraux de Guichen, Duchafaut et Lamotte-Piquet. Celuici dirigeait par ses conseils l’ardeur de M. le duc de Chartres, premier prince du sang, embarqué sur son vaisseau. L’amiral Keppel, à la tête d’une armée non moins forte, vint au-devant des Français. Il connaissait leur bravoure, mais il vit avec étonnement la régularité de notre ordre de bataille, l’habileté de nos manœuvres et les progrès rapides de notre instruction. La bataille fut vive et sanglante ; beaucoup de vaisseaux éprouvèrent dans leurs équipages, dans leurs mâtures, dans leurs agrès des pertes considérables ; mais, comme de part et d’autre aucun bâtiment ne fut pris, on se sépara sans résultat définitif. L’Angleterre, trop accoutumée aux triomphes maritimes, se crut défaite parce que nous n’avions pas été vaincus, et la France s’attribua la victoire parce qu’elle n’avait pas reçu d’échec. » (R)
  • 2Le duc de Chartres (le futur Philippe‑Égalité), qui avait sollicité sans succès la survivance de la charge de grand amiral de France, reçut un commandement d’honneur sur la flotte du comte d’Orvilliers, et prit part au combat d’Ouessant, où il était à la tête de l’arrière‑garde. Sa conduite dans cette affaire donna lieu aux appréciations les plus contradictoires, si bien qu’après avoir été tout d’abord accueilli avec enthousiasme par les Parisiens, il devint l’objet de leurs railleries. « M. le duc de Chartres, rentré avec la flotte dans le port, revint trop promptement à Paris. Dans les premiers moments il fut entouré d’éloges ; au spectacle, on lui jetait des couronnes de lauriers. Partout retentissaient des chants de victoire ; la cour et la ville semblaient dans l’ivresse. »
  • 3« On n’a pas manqué de plaisanter M le duc de Chartres sur ses exploits maritimes, sur son retour à Paris, sur son ostentation de se montrer à l’Opéra et sur la sotte admiration dont l’ont accueilli les badauds ; ce vaudeville, un des meilleurs faits depuis longtemps, où l’on retrouve le sel de nos anciens et toute la gaieté française, a été fort accueilli à la ville et même à la cour. On sait que M. le comte de Maurepas, qui aime la raillerie et la souffre, l’a goûté beaucoup et l’a entendu chanter à sa table en petit comité. Il est sur un air très à la mode au retour du Parlement, les Revenants, en sorte que cet air même fait épigramme » (Mémoires secrets)

Numéro
$1451


Année
1778




Références

Raunié, IX,168-70 - F.Fr.13653, p.6-7 - Mémoires secrets, XII, 69-70 - Correspondance secrète, t.I, p.207-08 - Hardy, V, 503-04