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L'Oiseau journalistique

             L’oiseau journaliste1
Monsieur Panckoucke a dans son atelier,
Ou peu s’en faut, le temple de Mémoire.
Minerve prend, et c’est un fait notoire,
De son Mercure un soin particulier ;
Ses favoris sont là, qui, pour la gloire
Et pour le gain, barbouillent du papier.
Pallas leur dicte énigme, trait d’histoire,
Contes, extraits, ou de prose ou de vers.
Tout irait bien, n’était que la déesse,
Même ici-bas, auprès d’elle a sans cesse
Un triste oiseau qui fait tout de travers
Et veut tout faire. Or, tandis que Minerve
Leur va dictant vers, prose, et cetera,
Si par malheur l’oiseau se sent en verve,
Son bec retors, dont le ciel nous préserve,
Trace en un coin tout l’article Opéra.
Puis le galant se pavane, et voilà
Pourquoi jamais en lisant le Mercure,
D’ailleurs utile et très bonne lecture,
Vous ne trouvez dans cet article-là,
Depuis huit mois, qu’erreurs, pédanterie,
Beaucoup de fiel, de savoir peu ni prou ;
Tout ce qu’enfin l’ignorance ou l’envie
Malgré Minerve inspire à son hibou.

  • 1Charles‑Joseph Panckoucke, célèbre libraire parisien, s’était rendu acquéreur du Mercure de France, et après avoir réuni à ce journal la plupart des feuilles qui lui faisaient concurrence, il lui avait assuré un très grand succès, grâce au concours de son beau‑frère Suard, que l’auteur a visé dans cette pièce. (R)

Numéro
$1528


Année
1783




Références

Raunié, X,91-92 - Choix d'épigrammes, p.220-21