Aller au contenu principal

Réponse critique de M. de V. à la pièce ci-dessus [$1769) de M. de Moncrif. 1734

Réponse critique de M. de V1 .

à la pièce ci-dessus de M. de Moncrif. 17342
Je suis trop bon Français, Seigneur,
Pour voir sans honte et sans aigreur
Cette impertinente écriture
Dont tout Paris rit et murmure.
Ciel ! Quelle pesante main
Barbouille nos héros du Rhin !
Un sot éloge est une injure
À punir comme un trait malin.


Eh ! Messieurs de l’Académie,
Laissez la chanson aux grivois
Ou prenez leur ton, je vous prie,
Moins bas et plus naïf cent fois.


Mangez chez ce munitionnaire,
S’il est homme assez débonnaire
Pour vous admettre à ses repas.
Mais ce riche a fait des ingrats,
Il voudra bien encore en faire.
Croyez-moi donc, ne payez pas
En méchants vers la bonne chère.


Quelle lâche indiscrétion
Vous porte à rouvrir nos blessures
Et du Visa les déchirures ?
Peignez-vous par adversion
Nos ruineuses aventures
Malgré sa bonne intention ?

Vous demandez, que fait Noailles
Là-bas ? Que fera-t-il demain ?
Votre pinceau l’habille enfin
Non pas d’une cotte de maille,
Ni du casque de Du Guesclin,
Mais du manteau d’un capucin.


Louons son esprit, sa vaillance,
C'est l’homme de tous les talents
Laissons aux moines noirs ou blancs
Les secrets de sa conscience.


Pour ce seigneur en vérité,
C’est une action méritoire
De vous pardonner le grimoire
Où vous l’avez si bien traité.


Revendiquez votre partage,
Auteurs avoués de Phoebus,
Chantez les sièges, les blocus,
Chefs et soldats dont le courage
Épargne la honte aux vaincus.


Tracez, mais d’une main hardie,
L’Anglais qui, chez nous accueilli,
Y retrouve une autre patrie.
Celui dont la mort et la vie
Ne craignent ni le prompt oubli,
Ni le fade éloge avili
Par la bavarde confrérie,


Berwick joignit au plus grand cœur
La sagesse la plus profonde.
Il fut le model et l’auteur
D’une race en héros féconde.
Entre ses fils du champ de Mars,
Il meurt, et son sang les inonde.
Que de gloire, que de grandeur !
Est-ce mourir ou de ce monde
Sortir en triomphateur ?

Donnons sa place et sa puissance
Au Marius de notre France,
À ce d’Asfeld laborieux
Qui ne doit rien à sa naissance.
Il se montre seul à nos yeux.
Eh ! Que m’importe ses aïeux !
Quelle race ne sera fière
De commencer par un tel père ?


Muses, peignez en traits de feu
Celui dont il ne faut rien dire
Plutôt que de le louer peu.
L’apprenti qui l’ose décrire
Ne voit en lui qu’un ruban bleu.

J’y vois le vainqueur de l’envie
Qui par la force et le génie
Mit la fortune à la raison,
Qui des débris de sa maison
Fit les fondements de sa gloire,
Aux grands projets donna l’essor
Et des ailes à la victoire,
Et la trouva trop lente encore.


C’est l’infatigable Belle-Isle.
À ses côtés vole au combat
Son frère, son élève agile.
Jeune homme encore, ce vieux soldat
(car je vous y vis tous les deux)
à votre nom mon sang pétille.
Je respire à vous voir heureux.

Et vous augustes volontaires,
Clermont, Conti, princes charmants,
De la France vrais ornements,
Dignes héritiers de vos pères,
Ah, faut-il qu’un grossier encens
Enfume vos lauriers naissants !
Du soldat qui vous envisage
Goûtez les applaudissements.
Germanicus sut à votre âge
Préférer ce naïf hommage
Aux plus fastueux compliments.

Clermont a su franchir l’obstacle
Qu’on opposait à son ardeur ;
De tous les Condés son grand cœur
Réunit en lui le spectacle.


Tu nous rendras, jeune Conti,
Ce héros chanté sur le Pinde,
Que Fleurus, Steinkerque et Nerwinde
Ont vu valoir seul un parti.
Ton digne aïeul dont la [ill.]
À genoux eût reçu les lois
Si cette république ingrate
Méritait d’avoir de bon rois.
Ah, puissé-je avoir une voix
Égale au zèle qui me flatte
Pour chanter un jour tes exploits.


Je souhaite aux dieux de la terre,
À nos princes, succès en guerre,
Plaisirs en paix, bons trésoriers,
Sultane fringante et jolie,
Fidèle et toujours applaudie,
Braves et galants écuyers,
Mais surtout un bon secrétaire,
Du mérite et du caractère
De celui que Vendôme avait.
Les succès l’avaient fait connaître
Campistron pensait, écrivait
De l’air dont se battait son maître !

Princes, vos bontés sont d’un prix
À n’en pas profaner l’usage.
Phoebus garde cet avantage
À ses plus dignes favoris.
Horace soupait chez Mécène ;
Virgile avec lui n’était qu’un.
Mais Bavius mangeait à peine
Dans la gamelle du commun.


Poète dont on fait peu de cas,
Panégyriste des plus minces,
Est-ce à toi de louer nos princes ?
Mêle-toi de louer tes chats.

  • 1Poème en réponse à celui de Moncrif ($1769) qui se terminait sur une allusion ironique au maréchal de Noailles. $4752 est attribué à Voltaire, attribution pour le moins discutable, pour autant qu'il est pour l'essentiel une reprise verbatim d'une réaction de Roy à ce même poème (voir $3268 et $6293). Pour l'ensemble de l'affaire, on se reportera à la note de synthèse contenue dans $1769.
  • 2$1769

Numéro
$4752


Année
1734

Auteur
Voltaire ?



Références

 Clairambault, F.Fr.12705, p.197-201 - F.Fr.13661, p.584-586 - F.Fr.15147, p.8-18 - Arsenal 3128, f°100r101r102v (moins les quatre derniers vers) - BHVP, MS 661, f°90r-90v