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Un Métier difficile

Un métier difficile1
Si le Roi me faisait présent
Aujourd’hui d’une place
De conseiller ou président,
Peu sensible à la grâce,
Je lui dirais : Sire, chez moi
Je serai plus tranquille,
Et j'ai trouvé que cet emploi
Devient trop difficile.

Quoiqu’ils soient vos premiers sujets,
Qu’ils chérissent leur maître,
Vous les avez créés exprès
Pour vous faire connaître
Et les maximes de l’État
Et le bon et l’utile ;
Mais le devoir de magistrat
Devient trop difficile.

Un ministre de bonne foi
Peut se tromper lui-même,
Et faire agréer à son Roi
Quelque mauvais système ;
Au lieu qu’un grand corps tout entier
Doit être plus habile
Dans les choses de son métier ;
Mais qu’il est difficile !

Passer des déclarations
Qu’un ministre suggère,
Et sans représentation
Et sans qu’on délibère ;
C’est manquer à vous, à l’État,
Que d’être si docile ;
Donc le devoir d’un magistrat
Devient bien difficile !

Ils n’ont aucune autorité
Que de votre puissance.
Vous avez remis, par bonté,
Dans leurs mains la balance.
Leur devoir donc est de peser
Au poids de l’Évangile,
Et de ne vous rien déguiser :
Mais qu’il est difficile.

Quelque bon et judicieux
Qu’un monarque puisse être,
Il ne peut de ses propres yeux
Tout voir et tout connaître.
Avec respect et fermeté,
Le magistrat habile
Doit lui montrer la vérité ;
Mais que c’est difficile !

Vous êtes maître de leurs biens
Ainsi que de leur vie,
Mais ce sont les dignes soutiens
De votre monarchie ;
Et l’on doit tout sacrifier
Dès qu’on vous est utile,
Ou bien laisser là le métier
Comme trop difficile.

 

  • 1 - A la suite du lit de justice tenu par le roi le 13 décembre 1756, pour l’enregistrement de trois déclarations qui attribuaient aux tribunaux ecclésiastiques la connaissance des refus de sacrements, décidaient que la Grand-chambre jugerait seule des matières de religion et d’État, et supprimaient soixante charges du Parlement et deux chambres des Enquêtes, tous les magistrats, ceux de la Grand-chambre exceptés, donnèrent leur démission. Le lendemain, cet exemple fut imité par seize conseillers de la Grand-chambre, que l’on exila le 26 février 1757. Le Parlement, ainsi réduit à une vingtaine de membres, fut appelé par les jansénistes la carcasse du Parlement ou la Chambre des Restes. C’est à la fin du mois d’août que les magistrats exilés et ceux dont les offices avaient été supprimés reprirent leurs fonctions. (R)

Numéro
$1158


Année
1757




Références

Raunié, VII,278-81 - Clairambault, F.Fr.12721, p.197-99 - F.Fr.10479, f°535-536r - Arsenal 2964, f°234 - CLK, janvier 1757, t.I, p.40 - Hardy, III, 734