L'Impôt sur le clergé
L’impôt sur le clergé1
Le Roi, par de justes raisons,
Veut fixer la dépense
De tous les diseurs d'oraisons
Y compris l'Éminence ;
Sans consulter les avocats,
Il va mettre la fierté bas
De nos prélats, de nos prélats,
De nos prélats en France.
Pour n'avoir voulu rapporter
L'état de la finance,
Nous verrons bientôt exploiter,
L'églisiaire arrogance ;
Sans consulter les avocats,
On va repasser les rabats.
L'offre qu'ils font d'un don gratuit2
Est une impertinence,
Dès que ce titre seul conduit
A la non dépendance ;
Sans consulter les avocats
Il faudra couper pieds et bras.
Du vrai prix de ses revenus
La monacale engeance
Ne désirerait pas non plus
Qu'on connût l'évidence ;
Sans consulter les avocats
Nous verrons traiter les pieds plats.
N'est-ce pas ce qu'on nomme abus
Que ces gens d'importance,
Sur la cure de cent écus
Prennent le tiers d'avance ?
Sans consulter les avocats
Prenons les deux tiers des ducats.
S'ils font encor les raisonneurs,
Ainsi que je le pense,
Pour peser le fond de leurs cœurs
Je tiendrai la balance ;
Sans consulter les avocats
Je livre à nos économats
Tous les prélats, tous les prélats,
Tous les prélats de France.
- 1autre titre: Chanson sur l'affaire du clergé de France au sujet du Vingtième (F. Fr. 10478) - - Louis XV, par une déclaration enregistrée en Parlement au mois d’août 1750, avait ordonné que « tous les ecclésiastiques, bénéficiers, communautés et généralement tous gens de mainmorte donneraient, dans six mois pour tout délai, des déclarations des biens et revenus de leurs bénéfices, à l’effet de constater les facultés du clergé et de proportionner à ses richesses les secours que le Roi lui demandait dans les besoins de l’État, et aussi de remédier à l’inégalité des répartitions qui se faisaient des impositions entre les différents membres du clergé. » L’instigateur de cette mesure, le contrôleur général Machault, s’assurait ainsi les moyens d’imposer régulièrement le dixième ou le vingtième sur les biens ecclésiastiques, au lieu du don gratuit que le clergé fournissait chaque année au Roi. L’assemblée du clergé de France, alors réunie à Paris voulut protester contre cette déclaration qui menaçait ses immunités ; mais le Roi enjoignit aux évêques de rentrer aussitôt dans leurs diocèses et ordonna que la somme de quinze cent mille livres serait imposée et levée sur le clergé par les intendants, en la forme ordinaire. Loin de céder, le clergé résista et finit par triompher ; un arrêt du conseil du 22 décembre 1751 ordonna de surseoir à la levée de ce subside, qui était qualifié du terme de libéralité parce que le clergé persistait à ne pas subir le mot d’imposition et que le Conseil ne voulait pas accepter celui de don gratuit. (R)
- 2Le don gratuit n’était en somme qu’un impôt déguisé, mais il avait l’avantage de sauvegarder les immunités ecclésiastiques, puisqu’il était accordé par les assemblées du clergé et non imposé par le Roi. (R)
Raunié, VII,168-71 -Clairambault, F.Fr.12720, p.151-53 - F.Fr.10478, f°490 - F.Fr.13662, f°116r-116v - F.Fr.15154, p.133 - BHVP, MS 580, f°31r - BHVP, MS 661, f°68r-69r