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La Conversion de Machault

La conversion de Machault1
Le contrôleur, pâle et tremblant,
S’en fut aux grands jésuites,
Demander d’un air suppliant
Au père Thimocrites :
Mon père, puis-je espérer pardon,
La faridondaine, la faridondon,
De tout le mal que j’ai commis,
Biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.

Quelle humilité, monseigneur !
N’est-ce pas un prodige ?
Ou quelque malin enchanteur
Enfante ce prestige.
Rendez le calme à ma raison,
Ce fait me paraît inouï. —

Je viens à vous sincèrement
Avouer tous mes crimes ;
Surtout point de ressentiment,
Soyez plus magnanimes,
Je sais que vous avez raison,
Car le clergé est mon ami,

Ces jours passés, j’eus en dormant
Un songe qui m’alarme ;
Je croyais voir à chaque instant
Un nombre infini d’âmes
Qui toutes chantaient sur ce ton,
Le triste refrain que voici :

Tu nous mets la mort dans le cœur
Par tes forfaits sans nombre ;
Bientôt l’ange exterminateur,
Dans le royaume sombre,
Finira ton règne fripon,
Et tu mourras comme tu vis.

J’avoue que mon plus grand défaut
Est d’aimer la finance2 ,
Aussi j’ai sabré comme il faut
Presque toute la France.
Ses cris, ses lamentations,
Ne m’ont point du tout attendri. —

Votre salut est bien douteux,
Interrompit le père ;
Combien de pauvres malheureux
Expirent de misère !
Il n’est point d’absolution,
La faridondaine, la faridondon.
Allez, maudit, sortez d’ici, Biribi,
A la façon de Barbari, mon ami.

  • 1 - Autre titre : Chanson sur la conversion du contrôleur général Machault - mars 1752 (Arsenal 2964) mai 1752 (F.Fr.10479) - Le contrôleur général, qui avait augmenté les impôts pour subvenir aux dépenses croissantes de l’État, était généralement détesté du public et surtout du clergé, dont il avait voulu taxer les biens. (R)
  • 2Le garde des Sceaux était bien renté, ainsi que le constate Barbier : « M. de Machault dit‑il, est fort riche. On lui compte cent vingt mille livres de rente de son bien personnel ; deux cent mille livres par an de son contrôle général, et cent‑vingt mille livres du produit des sceaux ce qui fait plus de quatre cent mille livres de rente. » (R

Numéro
$1116


Année
1752




Références

Raunié, VII, 213-215 - F.Fr. 10479, f°88r-89r - F.Fr.12155, p.392-96 -  Lille BM, MS 66, p.496-99  -Arsenal 2964, f°101r-102v et 118r-119r - BHVP, MS 651, p.12-16