Sans titre
Tous nos évêques en commun
Ne s’embarrassent guère
Du fameux concile d’Embrun
Et des preux commissaires
Dont nul par ses décisions
N’a suivi dans les sessions
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Mais au défaut de nos prélats
Thémis rompt le silence,
Et dans la main des avocats
Du vrai met la défense.
Du péril ils font peu de cas
Et savent mieux que nos prélats
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Comme des guides assurés
Autrefois tout concile
Consultait les canons sacrés,
Les pères, l’Évangile.
Embrun l’a-t-il fait ? En ce cas
À tort vous lisez, avocats,
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Quad on enfreint le droit des gens
Et les lois de l’Église,
Et que des prélats négligents
Tolèrent l’entreprise,
Tout homme est soldat de la foi
Et s’il réclame, il a pour soi
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Un saint prélat, le délateur
Des erreurs de la Bulle,
Est traité de blasphémateur
Au conciliabule.
Soanen dit qu’il faut aimer Dieu
Et le prouve par plus d’un lieu
Des saints canons, des saints canons
Des Pères.
Il dit que nous ne pouvons rien
Sans Jésus et sa Grâce,
Que dans nous elle est de tout bien
Le principe efficace.
Il craint d’errer dans le serment.
S’il en fait, c’est conformément
Aux saints canons, aux saints canons
Des Pères.
Son crime est d’être très zélé
Pour le vieil Évangile.
Pour ce crime il est appelé
Devant le concile.
Qu’on le juge, il ne dit pas non,
Mais pourvu que ce soit selon
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Mais un siège provincial
Peut-il juger d’emblée
Ce qui saisit le tribunal
De l’Église assemblée ?
Et si d’ailleurs sont récusés
Des commissaires opposés
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Nargue, lui dit-on, d’un appel
Qui nous paraît frivole,
Quand vous récusez tel et tel
C’est autre faribole.
Passons outre et jugeons soudain
Quoiqu’il réclame à gosier plein
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Transportons ces docteurs bien loin,
Eux et lui faisons taire,
Qu’il n’ait dans son pressant besoin
Ni huissier, ni notaire.
Volons-lui ses papiers, coffrons
L’affidié porteur, encageons
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Après tels faits dans tes chansons,
Sot rimeur, tu nous bernes ;
Nous prends-tu donc pour des oisons
Avec tes balivernes ?
S’ils se taisaient, les avocats,
Les pierres crieraient-elles pas
Les saints canons, les saints canons
Des Pères ?
D’Eutiche et de Nestorius
Qui fronda l’erreur noire,
Ne fut-ce pas Eusebius
Des avocats la gloire ?
Si l’on t’eût cru, fade censeur,
On eût mitré ce défenseur
des saints canons, des saints canons
Des Pères.
Il se vit pourtant
Honoré de la mitre.
Ne t’en déplaise, il en était
Digne par plus d’un titre,
Et ses confrères aujourd’hui,
Dis-moi, vengent-ils moins que lui
Les saints canons, les saints canons
Des Pères ?
Quand tu les morguais à ton gré,
Tu n’en comptais que trente.
Ta critique a tant opéré
Que les voilà cinquante
Mets-les encore au rang des fous
Ces vrais sages, ces cœurs jaloux
Des saints canons, des saints canons
Des Pères.
Mais ne comptant que les souscrits
Ton calcul n’est pas juste,
Tous ceux qui leurs noms n’ont pas mis
Sont de leur nombre auguste.
Chacun par la plume d’autrui
Hautement sauve du décri
Les saints canons, les saints canons
Des Pères.
Mazarine Castries 3984, p.258-63