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Sans titre

Longue et sèche Bérenger1
Vaine et bourgeoise comtesse,
Avec tes airs de princesse,
Tu nous fais tous enrager.
Chacun sait que ta noblesse
Dont tu veux te faire honneur
Est plus plate que ta fesse
Et plus fausse que ton cœur.

Pourquoi donc tant de fierté ?
Pourquoi ces minauderies,
Et ces fades bergeries,
Et ce langage affecté ?
Penses-tu qu’on soit la dupe
De cet enfantin jargon
Et qu’on croie que ta jupe
Soit cousue à ton talon ?

Plus d’un berger, ce dit-on,
Dans son ardeur empressée,
Cent mille fois t’a troussée
Jusque dessous ton menton.
Cesse donc, fausse bergère,
De vanter ta pudeur
Et de vouloir contrefaire
Ta pastorale rigueur.

À Gilbert2 , ce grand nigaud,
Un nouveau nigaud succède.
C’est Langeron3 qui t’obsède,
Plus benêt qu’un sot badaud.
La grosse et molle duchesse4 ,
Confidente de vos feux,
De son côté fait promesse
Avec son mince amoureux.

Elle aime cet étourneau,
Ce cher petit Destournelle5
Qui n’a pas plus de cervelle
Ni plus de sens qu’un moineau.
Maison jadis illustrée
Par l’amour d’un de nos rois6 .
Paix, tu vois le sang d’Estrées
Souillé du sang d’un bourgeois.

Ô les discrètes amours
Et le prudent assemblage !
En carrosse de louage
Ces bergers allaient au cours
Avec ces gaies bergères
Rouges comme chérubins.
Non, c’étaient des mousquetaires
Avec deux franches putains.

  • 1Fille de M. de Surbec, capitaine suisse et maréchal de camp, homme de fortune et de… Chapelier. Elle est femme du comte de Bérenger, fils aîné du comte du Gast Bérenger de Dauphiné, lieutenant général des armées du roi (M.)
  • 2Gilbert de Voisin, lieutenant des gardes françaises, mort de la petite vérole au mois de juin 1718 (M.)
  • 3Andraut (M.).
  • 4D'Estrées (M.).
  • 5Fils de M. de Malezieux, intendant de Mme du Maine (M.).
  • 6La belle Gabrielle (M.).

Numéro
$3413


Année
1718 novembre




Références

Clairambault, F.Fr. 12697, p.131-33 - Maurepas, F.Fr.12629, p.353-57