Aller au contenu principal

Ode

Ode1
Galériennes de Cythère,
Pirates du Palais Royal,
Vous chez qui l’heureux don de plaire
Se change en un art infernal ;
Troupe intrépide à l’escarmouche,
Dont les yeux chargés à cartouche
Lancent l’amour de toutes parts ;
Je vais enfin lâcher la foudre
Qui doit briser et mettre en poudre
Vos sacrilèges étendards.


Baisse, Gogo, ta tête altière,
Rougis de tes succès honteux :
En vain ta contenance fière
Attire sur toi tous les yeux.
Paris, théâtre de ta gloire,
Sur des tréteaux, dans une foire,
Vit éclore tous tes talents ;
Et dans Lyon, l’on trouve encore
Plus d’un malheureux qui dévore
Le fruit de ses égarements.


Deschamps, quoi donc ! de pierreries
Ta gorge étale un triple rang :
Ta tête brille des folies
Du premier des princes du sang :
De Désaigle écolière habile,
La ville en dupes si fertile
Ne peut suffire à tes exploits ;
Et le flambeau des Euménides
Conduit tes faveurs homicides
Jusqu’au pied du trône des rois.


Mais ta grandeur, faible phosphore,
Ne nous éblouit qu’un instant :
Bientôt le retour de l’aurore
Te replonge dans le néant.
Désaigle, soutiens ton élève :
Sans toi, sa carrière s’achève
Chez la Piron ou la Maugé.
Par toi de ses charmes funestes,
Elle pourra vendre les restes
A la milice du clergé.


Petite monture du page
Plus maligne qu’un sapajou,
Le jour en brillant équipage
La nuit courant le loup-garou ;
Qu’il souvienne à ton excellence
De ces temps où, dans la Provence,
Sur un banc couvert de frimas,
Ta mère endurcie au service
Encourageant ta main novice
Trop lente à gagner nos ducats.


Venez voir votre souveraine,
Cartou, Sauvage et Frétillon :
Une Laïs ultramontaine
Vous force à baisser pavillon :
A cette héroïne moderne,
Le vainqueur de l’hydre de Lerne
De la force eût cédé le prix ;
Devant sept têtes Hercule sue :
Vestris sans flèche ni massue,
A Bagnolet en abat dix.


Quel spectacle affreux se présente,
Et dans les cœurs porte l’effroi ?
J’aperçois une ombre sanglante
Qui traîne une fille après soi :
Des trois sœurs la noire cohorte
L’accompagne et donne main forte
A son implacable ennemi :
Sous leurs pas la terre s’entrouvre ;
Mon œil à peine la découvre :
Approchons… Dieux ! c’est Astraudi !


Ton supplice enfin se prépare,
Monstre altéré d’or et de sang :
Au fond des cachots du Tarture,
On a déjà marqué ton rang :
Digne ornement de la légende,
L’Enfer en corps te redemande ;
Accomplis les vœux des mortels,
Pars ! Si dans les sombres abîmes
Les honneurs égalent les crimes,
On t’y dressera des autels.


Bornerez-vous à cette prise
Notre bonheur et vos travaux ?
Filles du Styx, votre entreprise
Annonce la fin de nos maux :
Nous laisserez-vous la Deville,
La Chevrier, la Depréville,
Et tous ces monstres minaudants,
Qu’on voit au bord de nos coulisses
Briller du fruit de tous les vices
Qu’ils nous rendent depuis dix ans ?

  • 1Quelqu’un à qui la conduite de nos Laïs ne plaît pas a fait sur les plus connues l’ode suivante. (M.)

Numéro
$4122


Année
1757 septembre




Références

CLK, septembre 1757, t.I, p.251