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Sans titre

Eh ! mon pauvre Monsieur Clément1 ,

C’est bien le diable assurément

Qui vous a fourré dans l’idée

De mettre au jour cette Médée.

Le monstrueux accouchement !

Point de char, point d’enchantement ;

Empoisonneuse seulement ;

Un Roi qui, grossièrement,

Lui fait l’honnête compliment

De déguerpir de la contrée ;

Le sire avait la diarrhée ;

Certain Adraste et son armée…

Fi le vilain ! Heureusement

Il ne bavarde qu’un instant,

Et la scène en est épurée.

Jason, avec sa large épée,

Vient cajoler très fadement

La pauvre femme délaissée

Qui lui parle assez tendrement.

Jason, dit-elle doucement,

Vous me parlez bien froidement.

Tout le parterre (il est méchant)

Sur ce fit une horrible huée,

Dont je fus bien fâché, vraiment.

Creuze meurt horriblement.

Son linge de sa chair s’arrache en déchirant.

Que chien de vers, ami Clément !

Chapelain rimait rudement,

Mais un tel vers certainement

Ne fut venu dans sa pensée.

Enfin vint le jugement,

Mais je ne conçois pas comment,

N’ayant point là de char volant,

Cette Colchienne éclopée

Ne fut point sur l’heure assommée.

Pour moi, je l’aurais étranglée,

Mais le Jason, toujours Clément,

(Il était ému cependant.)

Lui dit : pour si belle équipée,

Vous méritez d’être frappée

De la foudre et non de l’épée ;

Le Ciel est juste heureusement.

Je vous livre au remords cuisant

Et n’en serez pas moins damnée.

Le fils d’Ezon, toujours parlant,

Sa femme jouant la pâmée.

À notre grand soulagement,

À la fin la toile est tombée.

Eh ! mon pauvre Monsieur Clément !

  • 1Il est bien légitime, Monsieur, de rire encore un peu aux dépens de l’auteur de la nouvelle Médée. On a parodié ainsi pour lui faire pièce la vie d’un autre Clément, que je vous ai envoyée dans l’une de mes précédentes.

Numéro
$6403


Année
1779




Références

CSPL, VII, 355-56