Un Nouveau marguillier de Saint-Roch
Un nouveau marguillier de Saint-Roch1
Toi, que je n’ose encore inviter à confesse,
Et que pourtant, dans quatre mois,
Je dois attendre à ma grand-messe,
Choiseul, de ton curé daigne écouter la voix,
Et reçois les vœux qu’il t’adresse.
Quoique tu sois grand ouvrier,
Puissé-je ne te voir que rarement à l’œuvre !
De Laverdy le sage devancier
Dont l’écu porte une couleuvre,
Et qui fut comme toi grand homme et marguillier,
Ce Colbert qu’aujourd’hui le peuple canonise
Et qu’autrefois il osa déchirer,
Fit peu d’ordure en mon église
Avant de s’y faire enterrer.
Je sais fort bien que tes confrères
De Saint-Eustache et de la cour
Aimeraient mieux qu’ici tu fasses ton séjour.
Je sais que maint dévot offre au ciel ses prières
Pour ton salut, qui ne t’occupe guères ;
Ton vieux curé consent à ne te voir jamais,
Et, s’il forme quelques souhaits,
C’est que tu restes à Versailles,
Où par toi le Dieu des batailles
Serve longtemps le Dieu de paix.
Amen ! Ainsi soit-il. Si pourtant chaque année,
Choiseul, tu pouvais une fois
Quitter le plus chéri des Rois,
Qui t’a fait son âme damnée,
Viens te montrer en ces saints lieux,
Viens un peu changer d’eau bénite,
Mais surtout retourne bien vite,
Exorciser tes envieux !
- 1« M. le duc de Choiseul ayant été élu premier marguillier d’honneur de Saint‑Eustache, M. le chevalier de Boufflers lui a adressé ces vers pour étrennes, au nom du curé de cette paroisse. » (Mémoires secrets) - Ces vers sont de l’abbé de Voisenon, à M. de Choiseul, ministre d’État, marguillier de Saint-Eustache.
Raunié, VIII,75-76 - Arsenal 3128, f°390r - Mémoires secrets, II, 687