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Les Funérailles de Chauvelin

Les funérailles de Chauvelin1
Chauvelin, remplissant son sceau,
Est tombé ce matin dans l’eau.
Loin de le sauver du naufrage,
Chacun en rit sur le rivage ;
D’Aguesseau le voyant noyé
A pris les sceaus, s’en est allé2 .

Son corps aussitôt fut porté
Dans un bois pour être enterré.
Les ermites du voisinage3
Furent tous l’attendre au passage.
Avec la croix, le bénitier,
En chantant le Dies irae !

Deux saintes dames de Paris,
La Carignan et la Conti4 ,
Vinrent pleurer dessus sa tombe
Disant : Rien n’est stable et tout tombe ;
Et le cœur navré et contrit
Lui dirent un De Profondis !

Les échos des bois d’alentour ;
Touchés, répétaient tour à tour,
La triste et dévote prière
Par où finit notre carrière ;
Le tout enfin fut terminé
Par Requiescat in pace.

 

Dans l’univers tout retentit5
Chauvelin de ton appétit.
Quoi ! fallait-il pour te résoudre
Que Jupin te lança son foudre
Et que l’Olympe en ait frémi ?
Que je te plains, mon pauvre ami.

On dit qu’à la table des dieux
Tu rangeais déjà tes neveux,
Lorsque la puissance suprême
Pénétrant ton audace extrême
A fait prononcer cet arrêt :
Tu brouteras dans la forêt

Déjà les échos de Grosbois
Disent d’une plaintive voix :
Cher Chauvelin, viens dans cet antre
T’ensevelir, car c’est ton antre.
La lumière n’est plus pour toi.
Hélas ! tu sais trop le pourquoi.

  • 1Autres titres: M. Chauvelin, garde des sceaux de France, exilé à Bourges, en Berry (Lyon BM, MS 1553) Couplet sur la disgrâce de M. Chauvelin. 21 février 1737 (F.Fr.12500) - Sur M. Chauvelin que le Roi exila à sa terre de Grosbois le 20 février et remit les sceaux à M. d’Aguesseau (Castries)
  • 2« M. de Maurepas, dit Barbier, est sorti avec les sceaux et les hoquetons qu’il a portés à Issy pour rendre compte de ce qui s’était passé, il les a reportés ensuite au Roi à Versailles, qui les a fait reporter à midi à M. le chancelier d’Aguesseau. » Ce magistrat recevait ainsi les sceaux pour la troisième fois. Il les avait eus d’abord en 1717, à la mort de Voisin. En 1718 on les lui ôta pour les donner à d’Argenson ; puis on les lui rendit jusqu’en 1722, époque où ils passèrent entre les mains de M. d’Armenonville. Chauvelin les reçut en 1727 et d’Aguesseau les reprit en 1737 pour les garder jusqu’au 27 novembre 1750 ; c’est alors qu’il donna sa démission. (R)
  • 3Les Camaldules, qui avaient un monastère près de Grosbois. (R)
  • 4La princesse de Conti, seconde douairière, et la princesse de Carignan allèrent rendre visite au ministre disgracié, quelques jours après son arrivée à Grosbois. (R)
  • 5Les trois derniers couplets ne se trouvent que dans Castries.

Numéro
$0848


Année
1737




Références

Raunié, VI,172-73 - Clairambault, F.Fr.12707, p.179-80 - Maurepas, F.Fr.12634, p.224-25 - F.Fr.12500, p.238 - F.Fr.12675, p.263-64 - F.Fr.15133, p. 378-79 - F.Fr.15137, p.259-61 - F.Fr.15140, p.272-73 -F.Fr.15148, p.243-45 - -F.Fr.15231, f°181 - Arsenal 2932, f°193r-194v - Arsenal 2934, p.287-88 - BHVP, MS 549, f°10v-11r (couplets 1-4) - BHVP, MS 658, p.193-94 - Mazarine Castries 3986, p.352-54 - Lille BM, MS 67 p.46-47 - Lyon BM, MS 1553, p. 341-43