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Sans titre

Une petite bourgeoise,

Élevée à la grivoise,

Mesurant tout à sa toise

Fait de la cour un taudis.

Le Roi malgré son scrupule

Pour elle froidement brûle.

Cette flamme ridicule

Cause par tout Paris ris,

Ris, ris, ris, ris.

 

Cette catin subalterne

Insolemment se gouverne

Et C'est elle qui décerne

Les honneurs à prix d’argent.

Devant l’idole tout plie,

Le courtisan s’humilie,

Il subit cette infamie

Et n’est que plus indigent

Gent, gent, gent.

 

La contenance éventée*

La peau jaune et truitée,

La dent toute tachetée,

Les yeux fades, le cou long,

Sans esprit, sans caractère,

L’âme vile, mercenaire,

Le propos d’une commère,

Tout est bas chez la Poisson1

Son, son, son.

 

Si dans les beautés choisies

Elle était la plus jolie ;

On pardonne la folie

Quand l’objet est un bijou.

Mais pour si mince figure

Et si sotte créature,

S’attirer un tel murmure,

Chacun pense le Roi fou,

Fou, fou, fou, fou.

 

Il est vrai que pour lui plaire

Le beau n’est pas nécessaire ;

Vintimille sut lui faire

Trouver son minois joli.

On dit aussi que d’Estrades2

Si vilaine, si maussade,

Aura bientôt la passade.

Elle a l’air tout bouffi

Fi, fi, fi, fi.

 

Les grands seigneurs s’avilissent,

Les financiers s’enrichissent,

Tous les Poissons s’agrandissent,

C’est le règne du vaurien.

On épuise la finance

En bâtiments, jeux et danses,

L’État tombe en décadence,

Le Roi ne met ordre à rien

Rien, rien, rien, rien.


  • 1Tout le monde convient que ce portrait n’est point ressemblant et que la Dame est fort jolie.
  • 2Madame d’Estrades, femme de condition, amie de Madame de Pompadour.

Numéro
$6759


Année
1748




Références

F.Fr.10289 (Barbier), f°96 - F.Fr.13651, p.78-80 - F.Fr.15142, p.34-36 - Mazarine Castries 3989, p.343-46 - Mémoires de Maurepas, t. IV, p. 266-67


Notes

Chanson contre la marquise de Pompadour, attribuée au comte de Maurepas et qui a valu son exil. (F.Fr.13651)