Sonnet au Sieur Rousseau
Sonnet au sieur Rousseau1
Quoi ! tu n’es pas rayé du nombre des vivants,
Infâme satirique, et flatteur plus infâme.
Quoi ! dans ton corps grossier, ta lourde et vilaine âme
Doit se nourrir encore du fiel de tes serpents.
Ta sœur la calomnie, aux couplets médisants,
Qui diffamant autrui, soi-même se diffame,
La peur, l’hypocrisie et ses louches enfants
T’allaient précipiter dans l’éternelle flamme.
Déjà l’apoplexie au regard éperdu
Au col court, au teint pâle, à la marche inégale,
Bégayait ton arrêt de sa bouche infernale.
Mais ton dernier supplice est encore suspendu :
Le bâton doit finir ta carrière fatale,
Car il faut que l’on meure ainsi qu’on a vécu2 .
- 1Monsieur Rousseau a fait trois épîtres, dont l’une est dédiée auR.P. Brumoy, auteur du Théâtre des Grecs, qui est mise la VIIe ; une à Thalie, la VIIIe, et la IXe à Monsieur Rollin. Et avant cela il avait fait une Ode sur la Paix. 11 parait que ces quatre pièces ont ranimé la haine de ses adversaires et réveillé en eux le venin qu’ils n’ont jamais pu digérer. Ces messieurs sont M. La F…, D…, S… fils, V…, C…, LaC…, P…, D..,D…. C’est ce qui leur fit concevoir l’idée de composer ce sonnet qu’ils lui envoyèrent.
- 2On a cru pour l’honneur de ces beaux esprits devoir supprimer leur signature.
La Haye, KHA, A17-302, I, f°104-05 - Délassements d'un galant homme, p.288-89 - Correspondance de Voltaire, D1416
Edition et commentaire dans Van Strien, p.306-308