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Chansons sur l’air de la Béquille

Chansons sur l'air de la Béquille

 

Quand la mère d’Amour

Pour le plaisir du monde

Comme la perle un jour

Sortit du sein de l’onde,

Sur sa belle coquille

En guise de grand mât

S’élevait la béquille

Du Père Barnabas.

 

Les soupirs, les bijoux

Trouvent des cœurs de roche.

Devant quoi verrez-vous

À la première approche

La vertu d’une fille

Mettre pavillon bas ?

C’est devant la béquille

Du Père Barnabas.

 

Il est des trous mignons

Où le Diable s’embusque.

Alerte, compagnons,

Vite qu’on le débusque.

Nous avons la cheville

Qui bouche ces trous-là

C’est la sainte la béquille

Du Père Barnaba.

 

Père Adam, ce n’est pas

Le nom du premier homme.

C’est le Père Barnaba

Maintenant qu’on le nomme.

La première famille,

Qu’est-ce qui la forma ?

N’est-ce pas la béquille

Du Père Barnabas ?

 

D’un honnête couvent

Les mères, vieilles rosses,

Un beau matin trouvant

Toutes les jeunes grasses,

La Mère Pétronile

En fureur s’écria :

Foutre de la béquille

Du Père Barnabas.

 

Desserrez les genoux

Ou que l’as vous quille ;

Le voilà devant vous

Tout droit comme une quille.

Vite qu’on s’écarquille

Sinon tout partira,

Puis adieu la béquille

Du Père Barnabas

 

Sur les vaisseaux d’amour,

Trafiquante gentille,

Thérèse mit un jour

Ses gants en pacotille.

Hélas la pauvre fille

Pour tout bien n’apporta

Qu’un seul coup de béquille

Du Père Barnabas.

 

Plaignons les embarras1

Des pères de famille.

Les hochets sont à bas

Et traités de vétilles.

Aussitôt qu’une fille

Sait dire B. A BA

Il lui faut la béquille

Du Père Barnabas.

 

J’écrivais à Fanchon,

Et ma lettre gentille

Commençait par leçon

Avec cette apostille

En ôtant la cédille

Le lecteur trouvera

L’étui de la béquille

Du Père Barnabas2 .

 

De tous nos polissons

La troupe s’égosille

À chanter des chansons

Où l’ordure fourmille.

Monsieur de Vintimille,

Fulminez sur cela,

Conjurez la béquille

Du Père Barnabas.

 

Je sens un mouvement

Que donne la nature,

Dites-moi franchement :

Catin, êtes-vous sûre ?

Vous êtes bien gentille

Mais, malgré vos appas

Je crains pour la béquille

Du Père Barnabas.

 

Qui fait vivre à Paris

Les petites grisettes ?

Qui donne des habits

À deux mille soubrettes ?

Qui soutient la famille

Des filles d’Opéra ?

N’est-ce pas la béquille

Du Père Barnabas ?

 

Le démon de la chair

Sans cesse m’aiguillonne,

Disait au bon pater

Une gentille nonne.

Il faut, dit-il, ma fille,

Chasser ce démon-là

À grands coups de béquille

Du Père Barnabas.

 

Pancrace Pelegrin

Qui sans cesse bredouille

Voit un grand chagrin

Siffler sa rime en ouille.

Sa verve qui s’enrouille

Ne vaut sûrement pas

Le dessus de la couille

Du Père Barnabas.

 

Un jour l’homme de bien

Confessait une fille.

Pour façon de maintien

Elle prit sa béquille

Et de fil en aiguille

Jusqu’au Mea culpa

Elle tira roquille

Du Père Barnabas.

 

Ts les mois dans Paris

Du juge de police

Les mymphes de Cypris

Subissent la justice.

Qu’ont fait ces pauvres filles

Pour les amener là ?

User de la béquille

Du Père Barnabas.

 

Une jeune beauté

Encore toute neuve,

Qui de la volupté

N’avait point fait l’épreuve,

Disait au Frère Gille :

Quoi ! ne verrai-je pas

La fameuse béquille

Du Père Barnaba ?

 

Si fait, bien de par bleu,

Lui répartit le Frère.

Je puis si tu le veux

Soudain te satisfaire,

Puis levant sa mantille,

Jetant son froc à bas,

Dit voilà la béquille

Du Père Barnaba.s

 

Le rouge au même instant

Monte au front de la belle,

Un doux frémissement

Saisit la jouvencelle.

Déjà l’œil lui pétille,

Son air, son embarras

Font mouvoir la béquille

Du Père Barnabas.

 

Notre Agnès cependant

En vraie sainte nitouche

Repoussait faiblement

L’amour escarmouche.

Mais bientôt Frère Gille

À l’aise se servira

De l’ardente béquille

Du Père Barnabas.

 

Dans des transports si doux

Se trouva la novice

Que rendant coup pour coup

Sans songer à malice

Bientôt du pauvre Gille

Le zèle elle épuisa

Ainsi que la béquille

Du Père Barnabas.

 

D’un ton entrecoupé

Doucement elle crie :

Quelle félicité,

Plaisirs dignes d’envie,

Non, rien n’est que guenille,

Honneur et cetera,

Exceptée la béquille

Du Père Barnabas.

 

Au pied d’un cordelier

Une jeune fillette

Dit, voyant frétiller

Du moine la jaquette,

Père, sous notre mandille

Qu’est-ce qui remue là ?

C’est dit-il, la béquille

Du Père Barnabas.

 

Pour me plaire il faudrait,

Disait un jour Lisette,

Qu’on fût sincère et droit,

Qu’on eût langue discrète,

Qu’on fût d’humeur gentille,

Enfin qu’on eût cela

Long comme la béquille

Du Père Barnabas.

 

Il ne me manque rien

Pour bien passer la vie ;

Je n’ai pas un grand bien,

Mais je suis sans envie

Sous ma pauvre mandrille,

Content de voir cela

Long comme la béquille

Du Père Barnabas.

 

Dedans le Luxembourg

Un mari plein de rage

Pour faire un mauvais tour

À sa femme très sage

Avec grande escouade

La tenait bloquée là.

Malgré sa sûre garde,

Elle s’en échappa.

 

Ce brutal jaloux

S’est mis dedans la tête

Qu’il faut qu’il soit coucou,

Et malgré lui veut l’être.

C’est une franche bête

Qui croit qu’elle ne peut pas

Vivre sans la béquille

Du Père Barnabas.

 

D’un vrai goût dépravé

Il méprise les femmes,

Donne son Amitié

À des gitons infâmes.

Punissez-le, Mesdames,

En ne lui laissant pas

Un poil de la béquille

Du Père Barnabas.

  • 1Le couplet se trouve, isolé, dans F.Fr.15232, f°27r. et dans Clairambault, F.Fr.12707
  • 2C’est ce trait mis sous le ç mot leçon et alors c’est le con (M.).

Numéro
$7278


Année
1720 ?




Références

Clairambault, F.Fr.12707, p.355 (un seul couplet) - BHVP, MS 670, f°137r-141r


Notes

Il est possible que quelques couplets se retrouvent dans d'autres séries sur la béquille.