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Chanson sur le nouveau parlement

Bandits assemblés au palais1

Parmi les bandits gens d’élite,

D’un sélérat digne valet,

Craignez la fureur qui m’irrite.

Je vais vous poursuivre en tous lieux,

Vous noircir, vous rendre odieux.

Je veux que partout on vous chante.

Vous percer et rire à vos yeux

Est une douceur qui m’enchante.

 

Imbécile et lâche Berthier,

Premier président en peinture

S’il ne faut pour ton vil métier

Ni cœur, ni bon sens, ni droiture,

Au moins faudrait-il le caquet

De ta femme ou d’un perroquet,

Et quand ton souffleur s’égosille,

Ne pas rester comme un piquet

Ou comme un âne qu’on étrille.

 

Crois-moi, dans ton sale chenil

Toujours abondamment garni,

Pêle-mêle avec les calottes,

Les perruques, les torchons gras,

Tiens consistoire avec les rats

Ou loin de ta guenon caustique

Dans ton infâme galetas

Va professer la mécanique.

 

Après lui siège un vieux magot2 ,

Un sapajou fourré d’hermine,

Ignorant, hébété, cagot.

Le dedans répond à la mine ;

A clamer contre le sifflet,

La nasarde et le camouflet,

Il a signalé son courage.

Je le vois même à ce couplet

Sourire en écumant de rage.

 

Est-ce un élève ? Châteaugiron,

Cet esprit faux, ce cœur de boue

Commande le noir escadron3

Qui brûle, qui pend et qui roue.

Un despote, un inquisiteur,

Un fourbe, un calomniateur,

Un vrai fléau de la patrie4 ,

Juger un autre malfaiteur ?

Mais c’est l’ancien droit de pairie.

 

Muse, dans ton aigre caquet,

Epargne l’innocent la Briffe.

Songe que ce petit roquet

Vaut à peine le coup de griffe.

Dis seulement qu’il est niais,

Crasseux, menteur comme un laquais,

Et qu’au prix de son ignorance,

Un coursier de Mirebalais

Est un prodige de science5 .

 

Quel bruit, quel horrible sabbat !

Ah, quelle énergique harangue !

C’est Nicolaï qui se bat6 ,

Mais simplement à coups de langue.

En Parthe il décoche ses traits ;

Mon Dieu, les excellents jarrets !

Malgré son air de pétulance,

A présent par de pareils traits

Il fait connaître sa prudence.

 

Que tu figures dignement

A côté de cette âme vile,

Toi qui  put souffrir lâchement

Du bâton l’atteinte servile7 .

Et toi, d’un zèle magistrat,

Perfide ami, disciple ingrat8

De Fleury digne acolyte

Et du successeur de Duprat, Le chancelier.

Abominable satellite.

 

Ciel ! entre les mains d’un brigand

Je vois la publique censure,

Fleury dont le cœur et le sang

Tombent tous deux en pourriture ;

Fleury, de débauche rongé,

De larcins et de faux chargé,

Fleury que dans moins de six lustres

D’horribles forfaits ont rangé

Parmi les scélérats illustres.

 

Adieu, Messieurs les généraux,

Quelle est donc la tourbe menue ?

Si vous êtes de francs marauds

A l’aspect de cette cohue

Je sens redoubler mon courroux.

Mais, lassé de mes premiers coups,

Je prends haleine et me repose.

Dans un moment je suis à vous

Et je fais votre apothéose.

  • 1Chanson sur le nouveau parlement, tirée du supplément de la Gazette datée de Caen, du 20 octobre 1772.
  • 2La Bourdonnaye.
  • 3La Tournelle.
  • 4Sa conduite en Bretagne.
  • 5Peu avant de s’enrôler, il niait effrontément les faits.
  • 6Histoire du Suisse de Saint-Merry.
  • 7 Vergès, bâtonné à Saint-Domingue par un chapelier qu’il avait escroqué, étant procureur militant, c’est-à-dire huissier.
  • 8Vaucresson, autrefois l’ami de M. Demonblin et de sa conférence du droit public.

Numéro
$7868


Année
1772




Références

F.Fr.15142, p.301-06