Chanson sur l’usage du café
Si vous voulez sans peine1
Vivre en bonne santé,
Sept jours de la semaine
Prenez de bon café.
Il vous préservera de toute maladie,
Sa vertu chassera la la
Rhume et mélancolie.
Sa force est sans égale
Contre les maux de cœur,
La glande pinéale
Y trouve sa vigueur.
Quand on y met du lait, il guérit la poitrine,
Au sang il donnera la la
La circulation don don
Dans toute la machine.
Ses petits opuscules
Tiennent lieu de tabac,
Et mieux que les pilules
Confortent l’estomac.
Les peccantes humeurs par là sont adoucies,
Et l’on ne sentira la la
Nulle indigestion don don
Nulles acrimonies.
Son aimable fumée
Est favorable aux yeux,
Quand elle est reposée,
C’est un baume pour eux ;
Ce doux fumet qui monte en forme de nuage
Vous développera la la
L’imagination don don
Pour faire un bon ouvrage.
Il ouvre les idées
Au plus stérile auteur.
Il fournit des pensées
A tout prédicateur ;
Les forces quand on veut par lui sont ranimées,
Et la mémoire en a la la
Les traces d’un sermon don don
Beaucoup mieux imprimées.
De la philosophie
Malebranche le héros
Dit que cette ambroisie
Ranime tous les os.
Si sa santé va mal, ce sublime génie
Dans ce remède-là la la
Sans courir chez Purgon don don
Va rechercher la vie.
Quand vous brûlez la fève
Allez tout doucement,
N’en ôtez pas la sève
Par un feu trop ardent ;
Sans cesse tournez-la dans une casserole ;
Par ce mouvement-là la la
D’une bonne façon don don
Le café se rissole.
Ainsi qu’une omelette
Etant bien retourné
Sur la blanche serviette
Il doit être étouffé ;
Cette huile qu’il répand le mitonne et l’épure.
Par cette sueur-là la la
Son opération don don
En sera bien plus sûre.
Quand vous en voudrez prendre
Ayez un bon moulin,
Qui puisse vous le rendre
Broyé tout au plus fin.
N’allez pas éventer cette chère farine
Mais d’abord jetez-la la la
Dans le premier bouillon don don
De l’eau que l’on destine.
Voulez-vous qu’il opère
En vous heureusement,
Dans votre cafetière
Mettez-en largement.
Pour chasser vos vapeurs, faites bonne mesure.
A quoi vous servira la la,
La triste portion don don
Du café la teinture ?
Quand cette aimable prise
A trois fois bouillonné
Et qu’à triple reprise
Le marc s’est élevé,
Laissez-le reposer sans nulle impatience,
Car qui le troublera la la
De son infusion don don
Perdra la récompense.
Pendant qu’il se repose
Sur votre cabaret,
De la meilleure dose
Prenez un gobelet ;
Je vous dis gobelet, et non tasse évasée
La fumée en sera là la la
Par la réunion don don
Beaucoup mieux digérée.
La main ferme et prudente
Doit seule le verser,
Et toute main tremblante
Est propre à tout gâter.
Soutenez bien le bec de votre cafetière
Et rien ne tombera la la
Qui ne soit pur et bon don don
Et propre à vous refaire.
La boisson préparée
Dégénère en fadeur
Quand elle est trop sucrée ;
Elle perd sa vigueur.
La changer en sirop, c’est la rendre contraire,
Et son amertume a la la
Certaine impression don don
Qui vous est nécessaire.
De la liqueur fumante
Ménagez la chaleur,
Elle est moins agissante
Quand elle a moins d’ardeur ;
N’attendez donc jamais qu’elle soit amortie
Car cette boisson-là la la
Perd ce qu’elle a de bon don don
Quand elle est refroidie.
FIN
De l’imprimerie de Charles Huguier, rue de la Huchette, à la Sagesse, 1711
- 1Chanson sur l’usage du café, sur ses propriétés et sur la manière de le bien préparer.
Clairambault, F.Fr.12695, p.99-101
Imprimé