Chanson bachique
Chanson bachique
Homère a consacré ses vers
A la valeur d’Achille ;
On parle dans tout l’univers
Du héros de Virgile ;
De Bourbon les rares vertus
Ont inspiré Voltaire ;
Amis, pour l’honneur de Bacchus,
Chantons le verre.
Que d’Estaing au char de son roi
Enchaîne la victoire ;
Qu’à l’Anglais il fasse la loi ;
Qu’il se couvre de gloire :
Pour moi, je n’ai point d’ennemis ;
Et si je fais la guerre,
C’est à table avec mes amis,
A coups de verre.
Que Delille, ornant ses jardins
De déités champêtres,
Y place Flore et les Sylvains
A l’ombrage des hêtres :
J’aime les dessins bien conçus ;
Mais quelle est ma colère
Quand je n’y trouve point Bacchus
Avec son verre.
Que Parny sur son flageolet
Célèbre la tendresse ;
Que Boufflers d’un joli couplet
Régale sa maîtresse ;
Peu jaloux de cueillir un jour
Le myrte de Cythère,
J’éteins le flambeau de l’amour
Avec mon verre.
Que l’audacieux Montgolfier,
L’honneur de sa patrie,
A l’air osant se confier,
Nous montre son génie ;
Qu’il plane à son gré dans les cieux ;
Qu’il brave le tonnerre :
Je vois l’Olympe et tous les dieux
Au fond du verre.
Que, fixant des yeux attendris
Sur la triste indigence,
Louis rappelle dans Paris
La joie et l’abondance ;
Qu’on vante son humanité
Aux deux bouts de la terre :
Pour nous, amis, à sa santé
Vidons le verre.
Amis, comme nos bons aïeux,
Demeurons sous la treille ;
Imitons leurs transports joyeux ;
Caressons la bouteille,
Laissons Plutus et les amours
Enivrer le vulgaire :
Le bonheur se trouve toujours
Au fond du verre.
Raunié, X,111-13