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Le Mémoire de Target

Le mémoire de Target1
Target, dans son gros mémoire2 ,
A tracé tant bien que mal
L’étrange et fâcheuse histoire
De ce pauvre cardinal,
Et la verbeuse éloquence
De cet orateur pressant
Prouve jusqu’à l’évidence
Que c’est un grand innocent.
J’entends le Sénat de France
Lui dire, un de ces matins3 :
Ayez un peu de décence
Et laissez là les catins.
Mais le pape, moins honnête,
Pourrait dire à ce nigaud :
Prince, à qui n’a point de tête
Il ne faut point de chapeau.

  • 1ean‑Baptiste Target, avocat au Parlement, avait été choisi pour défenseur par le cardinal de Rohan. Il publia quinze jours avant le prononcé du jugement un volumineux mémoire qui produisit une grande sensation. « Ce mémoire, rédigé avec ordre, mais dans lequel on trouvait trop de répétitions, où l’on reconnaissait néanmoins, en plus d’un endroit, l’empreinte des talents et de la sublime éloquence de son auteur, Me Target, l’un des quarante de l’Académie française, ne paraissait pas établir d’une manière assez concluante la justification de M. le cardinal de Rohan, quoiqu’il rendît palpable toute la noirceur des intrigues, des manœuvres imaginées avec autant d’astuce que de malice par la dame de Lamotte pour parvenir à tromper cette Éminence. » (Journal de Hardy.) (R)
  • 2On n’a pas manqué de prendre Me Target sur le temps et de rire de son Factum. Voici une chanson à ce sujet assez plaisante, en deux couplets, sur l’air de la fanfare de Saint-Cloud. (Mémoires secrets, 27 mai)
  • 3L’arrêt fut rendu le 31 mai après une séance de dix-huit heures : le cardinal était purement et simplement déchargé de toute accusation ; M. de Lamotte, condamné par contumace aux galères à perpétuité ; sa femme devait faire amende honorable, la corde au cou, être fouettée marquée sur les deux épaules, et enfermée à la Salpêtrière pour le reste de ses jours ; quant au comte de Cagliostro et à la fille Oliva, ils étaient mis hors de cour. Le jour du jugement, « le Palais regorgeait de monde et la joie fut universelle quand on sut le cardinal déclaré innocent. Les juges furent applaudis et tellement accueillis qu’ils eurent peine à passer au travers de la foule, tant la haine contre le parti opposé était grande, tant les dispositions contre la Reine et la cour étaient enracinées ! Car on ne se cachait point de l’opinion personnelle que l’on avait du cardinal. (Mémoires du baron de Besenval.) (R)

Numéro
$1578


Année
1786




Références

Raunié, X,218-19 - F.Fr.13653, p.483 - BHVP, 4-RES-0323, f°16 - Mémoires secrets, XXXII, 71-72