Cantique de Loth
Cantique de Loth
Air des Pendus
Or écoutez, peuple chrétien,
L’histoire d’un homme de bien ;
Il descendait d’un patriarche,
De celui fabriqua l’arche,
Alors que Dieu dans son courroux
S’avisa de nous noyer tous.
Air : c’était pour accomplir la loi
En s’éveillant un bon matin
Le Tout-puissant lorgna Sodome
Et fit serment, son foudre en main,
D’en griller jusqu'au dernier homme,
Car en ce lieu chaque vilain
S’amusait tout comme à Berlin,
Et les coquins s’y prenaient tous
Sans devant, derrière, (bis)
Et les coquins s’y prenaient tous
Sans devant derrière,
Sans dessus dessous.
Air des Trembleurs
Pour répondre à sa colère,
On amorça son tonnerre ;
Raphaël prit sa rapière
Et l’Éternel prononça :
« Depuis trop longtemps j’en souffre ;
Çà, qu’un nuage de soufre
De la ville fasse un gouffre,
Et grillons tous ces gens-là. »
Air : Un mouvement de curiosité
De ce fracas, épargnez, je vous prie,
Dieu tout-puissant, Loth et sa parenté.
Avec sa femme, s’il en fit la folie,
De son pays l’usage l’avait gâté ;
Et l’on peut bien pardonner dans la vie
Un mouvement de curiosité.
Air : Sous un ormeau
Au même instant,
Un ange monté sur un vent
Part du firmament
Et vient trouver au galop
Loth.
Air : Allez-vous-en, gens de la noce
Allez-vous en, sainte famille,
Dit l’envoyé du paradis ;
Car Dieu veut que cette ville
Tous les habitants soient rôtis.
Comment, rôtis ?
Oui, oui, rôtis.
Allez-vous-en sainte famille,
Dit l’envoyé du paradis.
Air : Lère lan lère
Mais en partant, je vous le dis,
Vous n’irez point en paradis
Si vous regardez par derrière,
Lere la lere lan.
Air du Menuet d’Exaudet
J’obéis,
Et je fuis,
Car je tremble,
Répond Loth en se signant
Et du doigt désignant
Ce qu’il faut qu’on rassemble,
Chacun fait
Son paquet
Et sa femme
Dans un coin, avec ferveur,
Recommande au Seigneur
Son âme.
Le vieillard était ivrogne,
Il emporta du Bourgogne
Qu’il céla.
Ce fut là
Son ouvrage.
Mais plus sage,
Sa fille, d’un saucisson
Qu’elle gardait pour son usage,
Se munit
Et partit.
La cadette
Fit mettre sur son baudet
Et seringue et bidet
C’était là sa toilette,
Un miroir,
Un chauffoir,
(Meuble utile)
Puis chacun, le cœur troublé,
Marchant à pas compté
Défile.
Air du cantique de Saint-Roch
Nos gens étaient à peine hors de la ville
Qu’on entendit un affreux carillon ;
Madame Loth, esprit fort indocile,
Alors de l’ange oubliant la leçon,
Tourna la tête.
La vieille bête,
D’un coup du ciel,
Devint femme de sel.
Air : Dans un amour naissant
De cet accident-là
Le bonhomme
En son âme
Bientôt se consola,
Car en perdant sa femme
Il lui restait vingt gros flacons,
Et deux beaux lire, lire, lire,
Et deux beaux toure, toure, toure,
Deux beaux tendrons.
Air des Folies d’Espagne
Sous un rocher en forme de caverne
Le bon vieillard conduisit ses enfants ;
Une vessie en forme de lanterne,
Servait de guide à ses pas chancelants.
Air : [sic]
Là, pour oublier son chagrin,
De vin il fit remplir sa tasse ;
En avalant ce jus divin
Bientôt tout son souci s’efface :
Sa vieille femme il oublia,
Et dans un transport s’écria :
A boire, à boire, à boire,
Bannissons l’humeur noire,
Verse du vin,
Verse tout plein ;
Vive Bacchus
Et son doux jus.
Air : Palsambleu, M. le Prieur
Quand il eut bu cinq ou six coups,
Aux yeux du vieux drille,
Sa fille parut gentille ;
Quand il eut bu cinq ou six coups,
Il dit en passant la main sur ses genoux :
Ton petit, ton petit, ton petit cœur
Craint-il d’être tendre ?
Cher enfant, laisse-moi prendre
Ton petit, ton petit, ton petit cœur ;
Tes yeux m’ont su rendre
Toute ma vigueur.
Air : Jupin, dès le matin
De sa chair le démon
Fit au penaillon
Sentir son aiguillon ;
D’une main
Il presse son sein,
L’autre un peu plus bas
Cherchait d’autres appas.
Une impudique ardeur
Brûle son cœur,
De l’enfer dans ses yeux
Brillent les feux,
Sans remords, sans pudeur,
Le vieux pécheur
Dans la fureur
D’assouvir
Son désir,
Vous la baisa,
La pressa, la caressa,
Puis sur un vieux lit
La renversa.
Le Diable s’en mêla,
La fille, en soupirant s’écria.
Air : Danse, Charlotte
– Ah ! mon père, ah ! mon père,
Faut-il que ce soit par vous
Que se repeuple la terre ?
– Oui, ma chère oui, ma chère.
– Quand vous parlez, moi, j’obéis.
Débrouillons,
Dérouillons,
Mon cher père,
Dérouillons,
Débrouillons
Nos outils.
Air : Du haut en bas
Du bas en haut
Quand il eut fourragé l’aînée,
Du bas en haut,
Quoiqu’il la trouvât sans défaut,
Par cette vieille âme damnée
La cadette fut tâtonnée
Du bas en haut.
Air des Petits battus
Finissez donc, mon cher papa,
Ôtez vite, ôtez vite,
Finissez donc, mon cher papa,
Ôtez vite
Votre main de là.
Air : Il n’a pas pu
Tout en tremblant,
Tout en pleurant,
L’innocente fillette
Défendait ses jeunes appas,
Mais l’autre ayant passé le pas
L’encourageait
Et lui disait :
Air : Eh ! allons donc !
Eh ! allons donc, ma sœur cadette,
Vite, dépêchez-vous donc ;
Qui ne pèche qu’en cachette
Est toujours sûr du pardon ;
Eh ! allons donc, ma soeur cadette,
Vite, dépêchez-vous donc.
Air : Vous serez tout du moins
Le vieux paillard, dans son ardeur brûlante,
Suivait toujours, échauffé par le vin.
La fille avait beau dire « mais en vérité, mon papa, vous n’y pensez pas !
C’est affreux, si quelqu’un nous voyait comme ça.
Mais le vilain
Va toujours son train
Et la pauvre innocente
Tout en couvrant
Ses yeux avec sa main,
Faisait en rougissant
La moitié du chemin.
Air : L’autre jour à la promenade
La jeune enfant, tout hors d’haleine
Se laissait aller en disant tout bas :
Il me rattraperait sans peine
Quand je voudrais m’enfuir de ses bras ;
Il me ratttra…
Il me rattraperait sans peine
Quand je voudrais m’échapper de ses bras.
Air : C’était pour accomplir la loi
Si quelqu’un était offensé
De cette aventure immodeste,
Et se trouvait embarrassé
Comment Dieu permit un inceste,
Demandez-lui quand il viendra,
Vous verrez qu’il vous répondra :
« C’était pour accomplir la loi.
Qu’en voulez-vous dire ?
C’était pour accomplir la loi,
Ne suis-je pas le maître, moi ? »
F.Fr.13651, p.389-400