Sentence de dégradation contre le Sr de la Motte
Sentence de dégradation contre le Sieur de la Motte
De par le dieu porte-marotte,
Nous, Général de la Calotte,
Voulant dans notre Régiment
Maintenir bonne discipline,
Et que la peur du châtiment
Tout mauvais acte y déracine,
Après maint avertissement
Qu'avons donné au Sieur la Motte
De se comporter sagement
En chevalier de la Calotte,
Ordre qu'il avait mérité
Par des actions calotières
En assez grande quantité,
Sur toutes sortes de matières :
Comme d'avoir mangé son fonds
Et s'être rongé la cervelle
Pour composer vers d'un tour rond,
Moins durs que ceux de la Pucelle ;
De s'être voulu retirer
Dans un solitaire ermitage
Pour sa conduite réparer
Et vivre en dévot personnage ;
D'avoir prouvé que les Anciens
Sont fort au-dessous des Modernes,
Et que ces premiers en païens
N'ont écrit que les balivernes.
Tous actes, très certainement,
Dignes de notre Régiment,
Ainsi que de la grande estime
Que portons aux faiseurs de rime.
Mais, informé de bonne part,
Que le susdit la Motte Houdart
A, par avare économie,
de notre calotte ennemie,
Rattrapé de gros revenus
Contre la coutume et les us
De toute gent bien calotine,
Et que par astuce très fine
Il aurait engagé la Cour
À payer chèrement ses fables,
Quoique d'un dur et fade tour,
Par des sommes considérables,
Et qu'en outre, très prudemment
Aussi bien que très finement,
Il aurait engagé la Faye,
Proche parent du fils de Maye,
A lui délivrer tous les ans,
La somme de trois mille francs,
Sûrs, valables sur hypothèque,
Non sur fond de bibliothèque,
Mais sur la terre de Condé,
Château superbe et bien fondé,
Et sur dix millions de terre,
Nonobstant et famine et guerre,
Ayant induit ledit Seigneur
A lui faire si bonne étrenne,
Par le sublime et rare honneur
Qu'il aurait d'être son mécène,
Et que même, en adroit auteur,
Il obligeait ce protecteur,
À maintenir sa poésie
Plus douce que n'est l'ambroisie,
De peur d'être sifflé partout
En Mécenas de mauvais goût.
À ces causes, vu la sagesse,
Prudence, astuce et fine adresse
Dudit Houdart, contre tous us,
Coutumes, règles et statuts,
Le dégradons de la calotte,
Et voulons, pour plus grande note,
Que par prière ou par amis,
Il ne puisse plus être admis,
Quelque chose qu'il puisse faire
Dans la suite, afin de nous plaire.
Lui reprenons notre cordon,
Girouette et calotte de plomb,
Supprimons ses profits et gages,
Sur les brouillards des marécages,
Et du registre ôtons son nom.
Signé Torsac, et moi, Aymon.
1725, I,83-86 - 1726, 78-80 - 1732/1735, I,85-87 - 1752, I,85-89 - F.Fr.9353, f°58r-59r - F.Fr.15016, f°177r-180r - F.Fr.20036, p.110-113 - F.Fr.25570, p.227-230 - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°145v-146r - Arsenal, 3359, p.45-48 - BHVP, MS 663, f°152v-155v - Institut, 647, f°145r-146v - Bordeaux BM, MS 700, f°168v-171v - Grenoble BM, MS 587, f°19v-20v et f°66r-67r - Lille BM, MS 63, p.485-490 - Lyon, BM, MS 750, f°230r-231r - Lyon BM, MS 751, f°75v-76v - Lyon BM, MS 754, f°50r-51v