Requêtes de Mad. Quinot, calotine de la brigade des vestales, à Mr. l’évêque de Nantes pour obtenir les moyens de sa conversion. En mars 1721
Requête de Mad. Quinault, calotine de la brigade des Vestales
à M. l’Évêque de Nantes pour obtenir les moyens de sa conversion
Monseigneur, vous voyez à vos genoux une nouvelle convertie d’une espèce singulière. Voici le fait.
Séduite par les discours flatteurs d’un jeune homme de la Cour qui est de vos amis, je me livrais toute entière à ses désirs il y a deux ans. Jamais, si je l’ose dire, victime plus gentille ne fut offerte sur les autels de Cythère. Mais que le sacrificateur dont j’avais fait choix le méritait peu. En satisfaisant à ses désirs, il fit naître les miens. Je me promettais une ample moisson de plaisirs, et je ne trouvais que sécheresse et que stérilité. L’ingrat dissipait ailleurs le peu de patrimoine qu’il tenait du Dieu d’Amour. Il y a longtemps que ses mauvais services n’auraient déterminé à le renvoyer, si une subsistance honnête qu’il m’a procurée ne me retenait. Lassée enfin d’un pareil commerce, j’en veux effacer le souvenir par un retour sincère sur moi-même.
Seigneur le crime s’use ainsi que la vertu,
Mais en vain d’un remords on le voit combattu,
Si la brebis depuis longtemps perdue
Par le pasteur au bercail n’est rendue.
Monseigneur, en recevant mon abjuration, tendez-moi une main secourable, afin que le ciel me dédommage de ce que je perdrai en renvoyant celui qui me fait subsister. La Providence vous a donné les moyens de me secourir, en vous chargeant de la distribution des biens des économats.
Ordonnez qu’on me délivre
Tous les ans mille écus au moins
Pour subvenir à mes besoins,
Car la vertu ne fait pas vivre.
Et puis de vos conseils implorant le secours,
La grâce dans mon cœur aura son libre cours.
Cette somme est assez bornée,
Si vous comptez par chaque année
Ce que me valait le péché,
J’y perds moitié, je n’en puis rien rabattre.
Des filles de Vénus j’en connais plus de quatre,
Que vous seriez bien empêché
De sauver à si bon marché.
Je vous supplie, Monseigneur, de parler en ma faveur. Le prince qui nous gouverne a les oreilles tendres et complaisantes. Vous l’avouerai-je ? Il connaît l’ingrat, il sait les raisons que j’ai de me plaindre de lui.
1725, I,163-66 - 1726, 113-16 - 1732/1735, I,163-65 - 1752, I,163-65 - Clairambault, F.Fr. 12698, p.207-08 - F.Fr.15016, f°213r-214v - F.Fr.20036, p.208-10 - F.Fr.25570, p.157-58 - BHVP MS 663, f°46r-48v - Institut, 647, f°93 Bordeaux BM, MS 700, f°121r-124r - Grenoble BM, MS 587, f°79 - Lille BM, MS 64, p.493-97 - Lyon BM, MS 754, f°96r-97r -