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Requête de M. le Duc de la Force au général de la Calotte, au mois d’avril 1721

Requête de M. Le Duc de la Force, au Général de la Calotte,
au mois d'avril 1721
Grand Général de la Calotte,
Si vous ne me prêtez la main,
Faut que je demande mon pain,
Ou que j'aille porter la hotte.
Vous allez voir l'extrémité
Où serait réduite ma bourse,
Si votre grande charité
N'était mon unique ressource.
Avant que l'on envoyât paître
Mon très cher et bien aimé maître,
Qui m'avait toujours regardé
Pour son conseil le plus zélé,
Il m'assura que son Système
N'avait été qu'un stratagème
Pour attirer l'eau au moulin ;
Et que, pour en tirer partie,
Si je n'usais pas d'industrie,
Je serais pis qu'un capucin.
Je crus son avis salutaire.
Me voyant chargé de papier,
Je songeais de réaliser
Afin de mieux sortir d'affaire.
Si j'achetais des pierreries ?
Dis-je dans ma réflexion,
Quelque terre ou quelque maison,
Des bijoux, des tapisseries ?
Mais voyant que dans tous états
On serait plus gueux que des rats,
À qui donc alors m'en défaire ?
Prenons chose plus ordinaire
Que l'on consomme chaque jour,
Aux champs, à la ville, à la Cour.
Je fis prendre des eaux-de-vie,
Des huiles et de la bougie,
Force savon, sucre, café,
De la rhubarbe, du sené,
Poivre, manne, gingembre, café,
Et de drogues de toute classe
Je fis bonne provision.
Convient-il de lever boutique
À gens de ma condition ?
Peu de honte est bientôt passée,
Ma foi, je sautais la tranchée ;
Je fus épicier de renom.
Je fis plus, j'épuisais ma poche,
Voyant le Carême si proche,
Pour faire acheter des pruneaux,
Des pois, des fèves, des lentilles,
Des champignons et des morilles,
Des carottes et des naveaux.
Déjà j'avais un plaisir d'ange,
Comptant bientôt faire vendange,
Lorsqu'avec un malin vouloir
Le parlement vient de Pontoise
Et se servant de son pouvoir,
Entreprend de me chercher noise.
Et me saisir ma marchandise,
Ne me laissant que la chemise.
Il veut encore me dégrader.
Dans cette triste conjoncture
C'est à vous seul que j'ai recours.
Auriez-vous bien l'âme assez dure,
Pour me refuser du secours ?
Ce considéré, qu'il vous plaise,
De sa procédure mauvaise
Arrêter promptement le cours :
Voyez le péril que je cours
Entre les mains de la justice.
Sans votre charité propice,
Entre ces diables en procès,
Je craindrais un mauvais succès.
Pour m'épargner donc tant de honte,
Vous n'avez qu'à tout réclamer,
En conséquence protester
Que tout était pour votre compte,
Et pour celui du Régiment.
J'en serai marchand fournissant.
Plaise à votre corps débonnaire,
M'admettre en cette qualité ;
En outre, plus m'enregistrer
Pour son très humble apothicaire.
Je servirai avec honneur,
Et prierai notre rédempteur
Que le parlement en colère
Ne vous fasse jamais la guerre.
Fait à Paris au magasin
Du couvent de Saint-Augustin.

 

Numéro
$3989


Année
1721




Références

1725, I,24-27 - 1726, 17-19 - 1732/1735, I,29-31 - 1752, I,29-31 - F.Fr.9353, f°130v-132r - F.Fr.15014, f°221r-224r - F.Fr.20036, p.35-40 - F.Fr.25570, p.189-92 - Arsenal, 3359, p.16-19 - BHVP, MS 663, f°48v-51v - Institut, 647, f°119r-121v - Bordeaux BM, MS 700, f°87r-90r - Grenoble BM, MS 587, f°9r-11v - Lille BM, MS 63, p.306-14 - Lyon BM, MS 754, f°88r-90r