Ordonnance de Momus sur ladite requête
Ordonnance de Momus
sur ladite requête1
Avant faire droit sur le tout,
Après avoir ouï Cartou
Sur quelques faits de la requête,
Voulons que, pour les éclaircir,
Elle fasse faire une enquête,
Et lui permettons de choisir
À cet effet tel commissaire
D’entre ceux qui lui font la cour
Et font la police ordinaire
Dans les domaines de l’amour.
Permettons par cette ordonnance
Mais sans tirer à conséquence,
À chaque actrice qui sera
Dans le cas de devenir mère
De s’absenter de l’Opéra.
Bien entendu qu’elle fera
Sa déclaration sincère
Devant qui lui semblera.
Qu’après avoir nommé le père,
À ses frais on élèvera
L’enfant dont elle accouchera.
Ayant égard aux circonstances
Et pour répondre aux remontrances
D’une actrice dont les appas
En province ont fait du fracas,
Nous ordonnons que dans quinzaine
Notre régiment calotin,
Admis par Comus au festin
Qu’il doit nous donner à Vincennes,
Au jour indiqué s’y rendra
Et dans le bois s’assemblera,
Ainsi que toutes les actrices
Que nous avons publiquement
Nommées dans les charges d’offices
Créés par notre Règlement.
Ordonnons qu’aux deux requérantes
En personne alors comparantes,
Sous les auspices de Soumain
Qui leur présentera la main
Pour descendre de l’équipage
Que sous la figure d’un page
Plutus lui-même conduira,
Qui sans doute se chargera
De payer les frais de la fête
Qu’en son honneur on donnera,
Qui liront deux fois la requête
En déclarant leur état
On délivre un certificat
En forme de lettre d’absence
Dont Plutus en notre présence
Pour elles par provision
Nous payera l’expédition.
Et quand aux défenses requises,
Pour éviter toute surprise
Nous ordonnons qu’à cet égard
Sans aucun délai ni retard
Notre Règlement s’exécute.
Que s’il survient quelque dispute,
Sur l’avis de nos officiers
Et dans la chambre des foyers
Par le Règlement établie
Où la Cartou présidera,
Le jugement qu’elle rendra
Scellé du sceau de la Folie
Sans appel s’exécutera
Fait par le dieu de la marotte,
Nous, monarque de la Calotte,
Protecteur des jeux et des ris
Le jour que l’auteur de Mérope
Incognito quitta Paris2
Et toujours errant dans l’Europe
Sur l’avis de sa Pénélope
Pour des raisons qu’on ne dit pas
Et qu’on doit taire en pareil cas
Avec Jules César galope
Chez le souverain qu’Apollon
Favorise au sacré vallon,
Lorsqu’il veut bien suivre les traces
Des Pindares et des Horaces
Pour répondre aux sublimes vers3
Qu’en suivant sa noble manie
Lui rima ce vaste génie.
Trait notoire à tout l’univers
Méritant bien qu’on l’éternise
Et que ce fidèle allié,
Sans que son rang s’en formalise,
Par Momus soit gratifié
D’un brevet d’une touche exquise
Et qui sera dûment envoyé
Par Vienne en une valise
Dont Voltaire se chargera
Qu’à nos armes on marquera
Pour en assurer la remise.
F.Fr.10477, f°36-38 - Lille BM, MS 62, p.437-43