Prédiction calotine
Prédiction calotine pour l’année etc.
De la part de l’astre lunaire,
Vrai mobile du genre humain,
Qui fit éclipser le solaire
Qu’il rencontra dans son chemin,
Les chefs Aymon et Saint-Martin
Font savoir à tout calotin
Que nous aurons pleine vinée
Et que les fèves florissant
Sous le lunatique croissant,
On verra la morosophie
Régner sur la philosophie,
Tant la lune en son ascendant
Instruira mérite abondant.
Arouet, en chefs-d'œuvre prodigue,
Fera poème sur la Ligue
À la gloire d’Henri le Grand.
On y verra ce conquérant
Languir, sécher pour Gabrielle
Qui, loin de faire la cruelle,
Lui prodiguera ses appas.
Plus, on verra deux vers plus bas
Ivre, transporté, plein de rage,
Le héros accomplir l’ouvrage
Qu’Amour fait seul exécuter
Et que lui seul peut raconter,
Trait par où la maison d’Estrées
Est certes des plus illustrées
Et doit payer ce grand rimeur
Qui lui fait un si bel honneur.
Pour les désœuvrés de la ville,
Le Mercure continuera
Et chaque mois leur donnera
Énigme, chanson, vaudeville,
Morts, mariages, et cœtera.
Si trop peu de matière il a,
Le Sieur Guyot y suppléera
Comme grand fripier du Parnasse,
Lequel sans cesse rapetasse
Des vieux contes qu’il met au jour.
C’est dans ce dessein qu’il publie
Sa bibliothèque de cour,
Pour rendre la cour plus polie.
À ses soins on s’en peut fier.
Ayant fait voir par quelle adresse
On lèche le pet et la vesse,
Il montrera l’art de chier.
Fontenelle, Houdard et de Boze
Tant pour les vers que pour la prose
Contre [sic] feront voir
Que l’éloquence et le savoir
Qu’il dit être bannis de France
Y sont encore par excellence
Dans ces trois académiciens
Plus grands que tous les anciens.
En effet le siècle où nous sommes,
Éclairé par ces trois grands hommes,
Portera plus loin ses progrès
Que les Latins et que les Grecs.
À ces causes, triplons les gages
À ces trois fameux personnages.
Enjoignons à tous nos auteurs
D’en faire leurs guides fidèles
Et de les prendre pour modèles
Tant dans les arts que dans les mœurs
Ainsi que l’orateur célèbre
Qui, faisant l’oraison funèbre
Du grand Torsac, a copié
Et suivi comme pied à pied
Les beaux discours académiques,
Discours vraiment momicomiques
Et qui, pleins de subtilités,
Méritent bien d’être imités.
Publié le jour que la lune
Mit au soleil coiffure brune,
De la même façon qu’Houdard
D’Homère offusquant le poème,
Plus brillant que le soleil même,
En fit un vrai colin-maillard.
LyonBM, MS 751, f°48v-49v