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Lettres patentes portant création de l’office de vice-régent de la Calotte en Espagne en faveur du Duc de Riperda

Lettres patentes portant création de l'office de vice-régent de la Calotte en Espagne, en faveur du Duc de Riperda
De par Momus de qui l'empire
Nous excite sans cesse à rire
Des sottises de ces mortels
Auxquels on dresse des autels,
Soit par caprice ou par marotte,
Nous, les Régents de la Calotte,
À tous nos fidèles sujets,
De nos vœux les plus chers objets,
Joie et salut. La renommée,
Dans un tourbillon de fumée
Parcourant les pays divers,
Tant deçà que delà les mers,
N'ayant pas de plus grande affaire
Que de prôner le ministère
Et les faits d'un baron frison
Qu'on avait pris pour un oison,
Avant que Philippe d'Espagne
Par le dépit de sa compagne
Voulant se venger de Bourbon
Ne fut forcé de trouver bon
De le tirer de la poussière
Pour le mettre dans la carrière
Des biens, des honneurs et des rangs,
Et lui faire narguer les grands.
Nous avons voulu de sa chance
Avoir parfaite connaissance
Et par bonne information,
Faite avec grande attention,
Nous avons appris son histoire
Digne de calotine gloire.
Nous savons parmi ses exploits
Qu'il changea de secte deux fois,
Suivant qu'il lui tenait à compte
Sans qu'il en eut la moindre honte ;
Que les Bataves par faveur
L'ayant fait leur ambassadeur
À la cour du Roi Catholique,
Il y voulut tenir boutique
De draps, ratines, camelots ;
Qu'il rencontra nombre de sots
Espérant très bonne chevance
Qui firent au baron avance
Pour avoir nombre de métiers
De cardeurs et d'autres ouvriers,
Lesquels furent en Ibérie
Y fabriquer la draperie
Sous les ordres de Riperda.
Mais qu'aussitôt qu'ils furent là,
Par une sinistre aventure,
ils y firent triste figure
Sans exécuter un projet
Si grand, si beau, si clair, si net.
Nous avons ensuite vu comme
Ce baron devint si pauvre homme
Qu'on n'en faisait pas plus de cas
Que d'un petit faiseur de draps.
Comme puis advint qu'à Versailles
On révoqua les fiançailles
De la jeune Infante et du Roi
Et que l'on en fit un renvoi,
Tellement que le Roi d'Espagne
Près de l'Empereur d'Allemagne
Voulant dépêcher un exprès
Pour lui confier ses regrets
Et traiter de telle alliance
Qui retint en échec la France,
Choisit par secrète raison
Dans ce cas-là ledit Frison
Qui fit le beau traité de Vienne
(D'où soit ainsi que mal n'advienne)
Et ce que l'Autriche voulut
Sans qu'on en devine le but.
Si bien que par cette ambassade
Qui ne fut qu'une promenade,
Il fut fait comte et duc après,
Puis grand d'Espagne tout exprès,
Incontinent premier ministre,
Menaçant de guerre sinistre
George roi, s'il attend trop tard
De rendre Mahon, Gibraltar,
Déclarant qu'aucun ne prétend
Rompre le commerce d'Ostende,
Voulant enfin donner des lois
Aux républiques et aux rois.
À ces causes et beaucoup d’autres
Intéressant nous et les nôtres,
Nous, les Régents des calotins,
Délibérant à telles fins
Qu’au Conseil il pourrait bon être ;
Voulons et nous plaît reconnaître
Le Baron, Comte et Duc susdit
Pour un sujet de qui l’esprit
Est enthousiasmé de marotte
Et digne de notre Calotte.
D’une seule et commune voix
De sa personne faisons choix
Pour gouverner en Ibérie
Des calotins la confrérie
Dont nous le déclarons régent,
Notre ministre et notre agent.
Lui concédons calotte forte
Triple et de la meilleure sorte,
Avec oreille, oreillons,
Gros rats, sonnettes, papillons.
L’honorons de notre médaille
Avec toute sa prétintaille.
En outre nous lui faisons don,
Par une faveur singulière,
De notre illustre et grand cordon
Qu’il doit porter en bandoulière
Pour gagner vénération,
Honneur et considération.
Plus, pour soutenir avec grâce
L’éclat de sa nouvelle place,
Lui donnons cent mille réaux
Chaque an sur tous matériaux,
Manufactures ou fabriques,
Marchés, magasins ou boutiques
De camelots, ratines, draps,
De serges, flanelles et bas
Que les calotins en Espagne
Par la faveur dudit Régent
Établiront pour l’Allemagne
Et qui rendront somme d’argent.
Donné par faveur calotine
Sous notre grand sceau de résine
À grands lacs de crin vert et bleu
Et de laine couleur de feu
En l'an de l'ère calotière
Comme elle nous est coutumière
Dans nos États et nos pays
Sept mil sept cent vingt-six.

 

Numéro
$4069


Année
1726




Références

F.Fr.12654, p.151-60 - 1725, II, Supplément 1-4 - 1726, 273-76 - F.Fr.9353, f°255v-258v - F.Fr.12785, f°152r - 153r - F.Fr.15014, f°233r-238r - F.Fr.25570, p.657-62 - Lille BM,MS 65, p.49-57


Notes

Début (quatre premiers vers) identique en $4206