Lettres patentes de directeur des missions de la Calotte
en faveur de Mgr J. Asinur
De par Momus et sa séquelle,
Comus et le fils de Semelle,
La Cithérienne et son poupon,
Portant sagettes et brandon,
Nous, les Régents de la Calotte,
À tous enfants de la marotte,
Soit empereurs, rois, potentats,
Souverains, vaivodes, pachas,
À tous États démocratiques
Et tous autres rimant en -iques,
Salut. N'ayant rien plus à cœur
Que de faire bien et honneur
À quiconque par chose belle
Mérite la gloire immortelle,
Apanage des calotins,
Ayant à toutes bonnes fins
Examiné plusieurs brochures
Contenant méthodes bien sûres
Pour convertir tous imposteurs,
Athées, libertins, tronqueurs
Des écrits du suprême oracle,
Tous contrefaiseurs de miracle,
Tous négociants de bibus,
Vendeurs d'obits et d'oremus,
Tous les trafiquants sublunaires
De patenôtres, scapulaires,
D'eaux de fontaines et de puits
Après avoir donné le buis
Dont ils retirent bon salaire
Et toute autre gent mercenaire
Aux dépens du peuple bigot
Qui craint la hart ou le fagot,
Méthode très incontestable
Pour convertir même le Diable
Pourvu qu'ils sachent raisonner
Par bonnes règles de logique,
Plus, comparer et examiner
Toute algèbre chronologique,
L'auteur sous le nom d'Asinur
Nous paraissant d'un esprit pur
Original en son espèce
Puisqu'il s'est attiré la presse
En débitant fort galamment
Et d'un ton mâle et pathétique
Un vieil onguent pris hardiment
Dans plus d'une ancienne boutique
Dont il fait un très grand débit
Et retire bien du profit
Dans le temps qu'il tonne et qu'il peste
Contre la gent anti-céleste,
Qu'il vend à beaux deniers comptants
Des ridicules orviétans
Pour béatifier les âmes
Et préserver les corps des flammes.
Nousdits Régents avons d'abord
Reconnu d'un commun accord
Qu'un auteur de telle importance
Méritait bien par sa science
D'avoir le bonheur et le los
d'être agrégé dans notre corps
D'une manière très insigne
Comme le sujet le plus digne
D'être fait membre calotin.
À quoi satisfaisons à plein.
À ces causes, par les présentes,
Authentiques lettres patentes,
De notre pouvoir le créons
L'établissons et le nommons
Patriarche des missionnaires
Dans tous nos royaumes et terres
Et convertisseur général
Au pays méridional.
Voulons qu'il ait la fourniture
De tout onguent pour la brûlure,
duquel quiconque aura besoin.
Que de par Momus soit enjoint
À toute gent porte-calotte
Soumise à la dive marotte,
De le reconnaître pour tel
Sous le nom d'Asinus le bel
Ou bien d'Asinur le célèbre,
Docteur en la très sainte algèbre,
Et pour lui donner amplement
De quoi figurer aisément
Dans cet emploi très honorable,
Nous avons trouvé convenable
De lui constituer par mois
Pour appointements, gages, droits
Pour pensions et récompenses
Mille écus sur les consistances
Du néant et des vanités
Dont les fonds lui sont affectés.
Plus, lui concédons l'héritage
De tout calotin anti-sage
Voulant tester en sa faveur
Quand mère il aurait, frère ou sœur.
Plus, qu'il ait un monopole
Sur un chacun bibliopole
Venant de pays étranger
Pour aider à boire et manger
À ce célèbre dans le monde.
Plus, que sous sa perruque blonde
Soit triple calotte de plomb
Et qu'il ait notre grand cordon.
Lui concédons notre médaille,
Même de la plus grande taille,
Grelots, sonnettes, médaillons,
Girouettes, rats, papillons.
Plus, qu'il fasse le catéchisme
Aux calotins, crainte de schisme,
Qu'il soit représenté de plus
Tenant le sceptre de Momus
À la tête de ses ouvrages,
Que grandes marges aient ses pages
Et lettres grosses comme pois
Suivant son génie et son choix.
Nous défendons à tout critique
Ayant un grain de sel attique
De fronder contre ses écrits
Parce qu'il n'y pourrait répondre.
Mais au contraire il est permis
À tous pédants de se morfondre
Par lettres fades et sans sel
Comme ont déjà fait tel et tel.
Fait en notre auguste assemblée
Opinant du bonnet d'emblée
Et scellé de notre grand sceau,
Le plus brillant et le plus beau,
À lacs de crin, à triple queue,
De couleur jaune, verte et bleue,
Aujourd'hui, jour de Mardi Gras,
Jour de triomphe pour les rats,
En la tierce nouvelle lune
De cette ère à nous seuls commune,
Par calcul juste et bien précis,
L'an mil sept cent vingt-six.