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Lettres de Boug** d'ânerie pour le Sr Arouet de Voltaire

Lettres de boug… d’asnerie,

pour le Sr Arouet de Voltaire1

Gilles, Blaise, Job, Martin, Deg… par la grâce d’Apulée et sous l’autorité de Midas, Grand Maître de l’ordre, société, suprême tribunal, protecteur de l’Académie des Boug…, d’ânes du royaume ; à tous nos sujets, associés, frères, confrères, amis, ennemis qui ces présentes, etc. Salut. Savoir faisons que, vu la requête à nous présentée par F. A. de V., philosophe, peintre, géomètre, astronome, poète, historien, grammairien, théologien, mathématicien, musicien, physicien, académicien, païen, chrétien, luthérien, comédien, etc, par laquelle il nous expose que le désir qu’il a d’être de tous les corps l’ayant engagé à travailler depuis longtemps pour mériter nos suffrages, il a présumé par notre silence à son égard que nous ne l’avions pas encore jugé digne d’entrer dans notre illustre Compagnie, mais que ne perdant point de vue le projet qu’il a formé de devenir à la fin notre confrère, il vient de se déterminer à retravailler, repolir, refondre, raccommoder, mutiler et remettre sur le théâtre à l’usage des Boug… d’ânes les poèmes tragiques de quelques auteurs, et notamment Électre et Catilina d’un nommé Crébillon, que nous avions toujours méprisé et qu’il espère qu’un travail aussi estimable, joint à quelques âneries qu’il se flatte d’avoir fait par le passé, le rendront recommandable parmi nous et lui mériteront une place dans notre académie. Ladite requête signée A.D.V.

 

Vu aussi la représentation d’une desdites pièces, la philosophie de Newton mise à notre portée, ces deux superbes édifices de goût et de gloire bâtis par ses mains et quelques autres ouvrages de sa façon qui lui ont attiré de la part des gens de Cour les caresses que l’on fait ordinairement aux messagers qui ne vont assez vite au moulin.

Son ardeur à poursuivre en justice les impertinents qui osent attaquer sa réputation et critiquer l’embonpoint de son individu.

Ses judicieuses et très ignorantes réflexions sur des vérités reconnues qu’il traite de mensonges.

Enfin mille Boug… d’âneries qu’il a faites, qu’il fait et fera, et qui l’ont rendu, le rendent et le rendront à jamais recommandable.

Désirant le traiter favorablement, et ne pouvant nous refuser à la protection de la Reine de Nav… qui parle en sa faveur.

Nous, de notre certaine ignorance, puissance vide et subordination inférieure, avons admis, admettons agrégé et agrégeons à notre illustre Compagnie ledit A. de V. et lui avons donné et donnons, octroyé et octroyons la place de notre conseiller traducteur ordinaire et extraordinaire des auteurs anciens et modernes à l’usage de nous et des nôtres.

Enjoignons à tous les Boug… d’ânes du royaume nos sujets et confrères associés externes et internes de le regarder comme l’un des membres de notre Conseil et Académie.

Leur commandons expressément de se tenir à la porte des spectacles, six heures avant l’ouverture, les jours qu’ils sauront qu’on doit représenter ses ouvrages, s’emparer de toutes les places et particulièrement du parterre, y donner le ton, applaudir à toute outrance, comme s’ils étaient payés, et ce sans être tenus d’apporter d’autres raisons, sinon que c’est du V.

Enfin, de le soutenir en toute occasion, en dépit des sifflets, brouhaha, tintamarre et du bon sens, à la charge par lui de ne se point négliger dans les traductions, rapsodies et corrections nécessaires qu’il nous donnera et de retravailler au reste comme un bon et loyal Boug. d’âne doit faire, lui promettant avoir le tout pour agréable.

Mandons aux ignorants, ayant droit dans nos justices et à tous nos autres officiers, associés, amis etc, qu’ils aient à faire observer ces présentes, et jouir ledit A. de V. du privilège et bénéfice d’icelles, nonobstant clameur de baudet, chartres arcadiennes, haussements d’épaule, lettres à ce contraires ; car tel est notre amusement. Donné à Montmartre, l’an de notre règne l’innombrable

G.B.J.M.D.

Par Monseigneur

(une croix)

Marque du secrétaire

  • 1Je commence à désespérer que l’article de Voltaire prenne fin ; on vient de me donner une espèce de Calotte, en prose faite sur lui, et dont on ignore l’auteur ; c’est une polissonnerie qui ne vaut pas grand’chose, mais où l’on trouvera pourtant quelques traits assez plaisants ; la voici : (Collé)

Numéro
$4464





Références

1754, VI,145-48 - F.Fr.10478, f°418r-420r - Collé, I,135


Notes

A toutes les apparences d'une calotte en prose, une "compagnie" remplaçant le Régiment