Lettre de jussion de Momus pour recevoir Martin dans le Régiment
Lettre de jussion de Momus
pour recevoir Martin dans le Régiment
Vers le conseil de la Calotte
S’acheminaient gaillardement
Les vétérans de la Marotte
Pour remontrer très fortement
Que Martin de la Martinière
Ne devait en nulle matière
Chez les calotins être admis,
Quand tout à coup furent surpris
De voir Momus sur un nuage
Qui, les arrêtant au passage,
Calotte en tête, marotte en main,
Leur dit ces mots d’un air hautain :
Hé, donc, calotins de village,
Vous voulez amener l’usage
De remontrer sur nos décrets ?
Vous êtes de plaisants benêts
Avec vos belles remontrances.
On voit bien que vos connaissances
Ne vous passent le bout du nez
Et que vos intérêts bornés
Ignorent les lois calotines.
Connaissez-vous, troupe mutine,
Ce que vaut notre amé Martin,
Et ne savez qu’un beau matin
De lui sortira tel ouvrage
Qui vous fera crever de rage ?
Les Emeraults et les Neraults [?]
Qui se déclarent ses rivaux,
Verront leurs écrits téméraires
Par ses soins livrés aux libraires.
Notre arrêt qui tant vous déplaît
Sera bien reçu, s’il vous plaît.
Votre requête et tout écrit
Alors par vous-même proscrit
De Martin soutiendra la gloire,
Immortalisera sa mémoire,
Et vous vous trouverez camus
Et petits comme choux cabus.
Même Martin turelure lure
Y joindra très rude censure,
Et tant fera que l’on rira
De tous ceux qu’il appartiendra.
Or donc, retournez vers les vôtres
Et leur dites que sur tous autres
Notre très cher Jacques Martin
Mérite d’être calotin ;
Que ce qu’il a fait et doit faire
Mouler en bref chez son libraire
A tel haut rang l’élèvera
Que partout on en parlera.
Il dit, et fit une gambade
Y joignant une pétarade
Qui dans son fumet lumineux
Le fit disparaître à nos yeux.
Conclusion du Régiment de la Calotte
Vu la requête présentée
Causes et motifs déduits
Plus ceux dont nous nous sommes instruits
Afin de n’être rejeté,
Nous, les gens dudit Régiment,
Requérons l’entérinement.
Demandons, sans leur faire outrage
Que ceux que l’auteur a mordus
Soient plongés au prochain parage
De peur du choléra morbus
Que pour lui-même, sur sa tête,
On grave cette inscription
Du Repas de Trimalcion :
Cave Canem. Fuyez la bête.
F.Fr.15015, f°115r-117r - Lille BM, MS 66, p.129130
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