Le douaire calotin, conte
Le douaire calotin
Conte
Que l'Amour et l'Hymen, tous deux d'intelligence,
Pour former les liens d'Alcidas et d'Hortense,
À l'autel aient conduit les grâces et les ris,
Ils n'eussent pu trouver dans Paris
Un jeune cœur à leurs lois plus soumis,
Une beauté plus propre à rehausser leur gloire,
Ni plus digne de leur faveur,
Et c'est pour eux une grande victoire
D'avoir d'Hortense été vainqueurs.
Dans le sein des douceurs, amant tendre et fidèle,
L'époux que des mains de l'Amour
Elle reçoit en ce beau jour
Pour elle brûlera d'une ardeur éternelle.
J'en serais caution au besoin.
L'enfant qu'on adore à Cythère
Avait rempli son ministère.
Pour sceller cet hymen il manquait un seul point,
C'était le type du douaire1 .
Jamais l'Amour ce soin ne prend,
À fuir il met toute sa gloire
Dès que l'Hymen a couronné l'amant.
Car l'enfant par qui tout respire,
À qui tout le monde est soumis,
Ne reconnaît dans son empire
D'autres lois que lui-même a prescrites.
Momus, touché d'un peuple qui s'empresse
À faire fumer les autels,
Las du séjour des immortels,
Pour y tenir sa cour avait choisi Lutèce.
Ses ministres voulant signaler sa grandeur,
À reconnaître sa faveur
Par leurs respects et par leur joie,
À son coin frappèrent monnaie.
Ceci soit dit pour que soyez au fait.
De l'hymen finit le mystère.
La loi par forme requérait
Que l'épouse reçût un gage du douaire.
L'usage est que ce soit un gage qui n'ait cours
Dans le pays où se conclut l'affaire.
L'épouse doit chérir le reste de ses jours
Ce mystérieux caractère.
Mais bientôt l'Hymen et l'Amour
Se désunissent pour toujours
Et la femme ne garde guère
Ni ses promesses, ni son douaire.
De Jules et de Carolus
Notre époux dépourvu ne pouvait faire montre.
Quand par hasard sous la main il rencontre
Une médaille de Momus.
Le prêtre sur-le-champ la voue,
Puis l'époux son épouse en doue [sic]
Et la belle dit à l'instant,
D'un air tendre et souriant,
Avec plaisir j'en accepte l'augure.
Momus ici, par aventure,
Du destin de nos vœux veut être garant
Et nous rendre tous deux contents.
Ceux qu'un tel juge à l'hymen lie
Doivent espérer de la folie
Et du dieu des tendres amours
De vrais plaisirs et d'heureux jours.
Le souverain porte-marotte,
Sensible aux tendres vœux de ces jeunes amants
Leur accorda pour eux et pour leurs descendants
L'honneur du timbre et la triple calotte.
- 1e marié a coutume de donner à la messe de mariage une pièce d'argent à son épouse, qui se nomme le type du douaire, et ordinairement on a grand soin de le conserver.
F.Fr.9353, f°79r-80v - F.Fr.15016, f°7r-9v - Lille BM, MS 65, p.363-67