L’accession du Régiment aux deux traités d’alliance de Vienne et d’Hanovre. 1727
L’accession du Régiment aux deux traités d’alliance
de Vienne et d’Hanovre
De par Sa Majesté falotte,
Nous, Général de la Calotte,
Dans plusieurs comités poudreux
Avons vu les traités scabreux
Des ligues d’Hanovre et de Vienne.
N’y trouvons rien qui ne convienne
Au caractère, au jugement
De notre fameux Régiment.
Déclarons que ces alliances
Sont l’ouvrage de l'influence
De l’astre du ciel calotin,
Leur fond variable, incertain,
Est parfaitement sympathique
Avec le flambeau lunatique,
Comme il paraît dans les discours
Qu’ont publiés diverses cours
Qui, de ces actes mémorables
Ont formé traités admirables.
On voit ces écrits renommés
Dans les gazettes imprimés.
Ce ne sont que tous politiques,
Équivoques problématiques,
Que raisonnements spécieux
Sur des principes vicieux,
Qu’une trompeuse parabole
Pour tirer la dernière obole
D’une orgueilleuse nation,
Victime de l’ambition
D’un prince qui lui fait entendre
Qu’il a pour elle un cœur fort tendre
Et qu’il ne lui met des impôts
Que pour assurer son repos,
Sa religion, sa franchise.
C’est ainsi qu’il la catéchise
Et qu’il sait dans son Parlement
Se rendre maître absolument,
Gagnant d’ailleurs toutes ses chambres
Par l’argent qu’il donne à leurs membres,
Argent de ses sujet sucé,
Sous un prétexte peu sensé,
Et mis pour cela sur leur piste
Le fantôme d’un papiste
Qui prétendait le détrôner.
On les vit d’abord s’étonner,
Et chacun d’une âme asservie
Lui vint offrir ses biens, sa vie,
Sans aucune restriction
Pour empêcher l’élection
De ce prétendant sur le trône,
Conte d’une vieille matrone,
Par lequel il s’est endormi
Et son diadème affermit
En se servant du monopole
Du hardi chevalier Walpole
Qui, seul, gouverne son État
En souverain, en potentat
Et sait tirer dans l’esclavage
Son peuple turbulent, sauvage ;
Peuple qui met sur l’échafaud
Ses rois quand il croit qu’il le faut,
En noircissant leur innocence,
Revêt de leur pleine puissance
Des patelins usurpateurs,
Des biens publics dissipateurs,
En armements vains et splendides,
Mais surtout les âmes sordides
De l’or au fisc escamoté
Et dans leur patrie emporté
Pour s’y faire une riche voie
Si par malheur on les renvoie ;
Peuple qui souvent dans son sein
Se porte le coup assassin
Et dont le cœur barbare nage
Dans le sang et dans le carnage ;
Peuple ennemi-juré des lys
Et des peuples les plus polis.
Avec eux pourtant il s’allie
De crainte qu’on ne l’humilie
Sous le domaine impérial
Ou celui de l’Escurial ;
Peuple qui n’eut jamais dans l’âme
Que l’avidité qui l’enflamme
À laquelle il sacrifie
Quiconque à lui se confie,
Oubliant bonne foi, droiture.
L’intérêt avec l’imposture
Sans cesse vole sur ses pas,
Il sème des subtils appâts
Pour tromper ses alliés mêmes
Lesquels de ses ruses extrêmes
Pénètrent la mauvaise foi,
Avec lui jouant au plus fin.
Peuple enfin qui toujours conspire
Contre tout catholique empire
Et qui voulant des galions
S’approprier les millions
Les fit arrêter dans leur route
Et par là causa la déroute
Des financiers, des commerçants
Des Etats les plus florissants ;
Rendit avec lui misérables
Des Européens innombrables
Retarda les précieux fonds
Sur quoi chacun faisait fond.
De ces manœuvres glorieuses
Passons à d’autres, curieuses,
Dont les deux traités sont remplis.
On y remarque cent replis
Par où les alliés s’abusent
Et réciproquement s’amusent
Avec tacite liberté
De rompre leur société
Pour en former une nouvelle
Quand leur calotine cervelle
Verra certains cas épineux
Qui leur deviendrait ruineux
Si leur fidélité promise
En d’autres mains était remise.
Ainsi leurs desseins excellents
Aux nôtres sont équipolents
Et semblent nés de la manie
Qui règne sur notre génie.
De là vient que leurs chefs souvent
Tournent comme moulins à vent,
Ou bien qu'ils font la pirouette
De même qu’une girouette.
Si devant eux il passe un rat,
Ils changent souvent l’apparat
De leur mystérieux système
Et composent un nouveau thème
Qui par le moindre événement
Est renversé pareillement.
De la paix ils sont les colonnes,
Puis se déclarent pour Bellone ;
L’un veut revoir plus tôt que tard
Le Port-Mahon et Gibraltar
L’autre prétend sans qu’il attende
Qu’on cesse le trafic d’Ostende.
Qu’on fît sur ces prétentions
Mille négociations.
Pour ne se pas mettre en campagne.
Ce furent châteaux en Espagne.
Depuis un an sans s’accorder
On parle de s’accommoder.
Quelques stériles espérances
Sont les fruits de ces conférences.
On fait, on défait, on refait,
On se brouille à la fin tout à fait,
Des camps et des sièges on forme.
À ces causes, en bonne forme
Aux deux traités nous accordons,
À leurs auteurs nous concédons,
Les brevets les plus authentiques
De ministres, de politiques
Dans tous conseils différents
Pour y régler les différends
Concernant la haute justice,
Et pour illustrer cet office
Voulons que leurs front soient ornés
Et superbement couronnés,
Pour les honorer davantage,
D’une calotte à triple étage,
Calotte du pesant métal
Qui fait notre honneur capital
Et qui souvent fit la victoire
Des plus grands héros de l’histoire.
Leur donnons table et vêtements,
Hôtel, et pour appointements
Un million sur les fumées
Que des alliés les armées
Par leur feu en l'air répandront.
Fait dans notre palais comique,
L’an qu’un des ordres astronomiques
Ressuscita dans nos climats
Au printemps ses cruels frimas,
Ce jour que le Roi de Castille
Reçut dans ses ports la flottille
Et qu’il eut avis que de près
Les galions suivaient après
Malgré l’escadre britannique
Qui leur fit si longtemps la nique,
Mais dont plusieurs fléaux divins
Rendirent tous les efforts vains.
De notre signature
la présente écriture
Et ci-joint notre plus grand sceau,
Attaché d’un ruban ponceau.
Ordonnons que cet acte en pompe
Publié soit à son de trompe
Par nos hérauts et nos greffiers,
Suivis de tous nos estafiers
Et que partout il soit notoire
Dans notre immense territoire.
F.Fr.12785, f°147r-148v - F.Fr.15017, f°157r-165v - BHVP, MS 664, f°81r-88v - Mazarine, 3971, p.95-106 - Lille BM,MS 65, p.226-38