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Mandement de Momus au sujet des miracles de l’abbé Paris

Mandement de Momus
au sujet des miracles de l’abbé Pâris
De par le dieu de la Marotte,
Auteur de nos divins projets,
Nous, Général de la Calotte,
Défendons à tous nos sujets
De plus se porter en tumulte
Vers ce Saint-Marcel, lez Paris,
Pour y continuer leurs cultes
Au tombeau de Frnçois Pâris.
Non qu’à la vérité qui brille
Comme l’astre du firmament
Nous opposions le mandement
De Guillaume de Vintimille
Par qui du Ciel les saints octrois
Sur ce tombeau si vénérable
Sont vainement traités de fables.
Nous apprenons de tous endroits
Que par un pouvoir ineffable
Les boîteux redeviennent droits
Qu’on y voit se mouvoir, s’étendre
Le paralytique aux abois ;
Que le sourd répond à la voix
Du muet qui se fait entendre.
De tant de merveilles témoin
Le peuple qui dans son besoin
Sous la tombe est près à descendre,
De cet illustre et saint proscrit
Ose bien croire que la cendre
Se mêle au sang de Jésus-Christ.
Mais sur quoi que le bruit se fonde,
Quelques traits que l’on puisse voir,
Ne souffrons point qu’aucun pouvoir
Change ici la face du monde.
Laissons le monde tel qu’il est,
Que la sagesse en soit bannie.
Il n’est pas de notre intérêt
D’y voir rétablir l’harmonie.
Si, sur de simples vœux conçus,
On obtient ce que l’on désire,
Et si la foi prend le dessus
Que deviendra lors notre empire ?
Que dis-je, dans un cas pareil
L’inquiétude n’est pas vaine.
Que serait-ce si le Conseil
S’en allait faire sa neuvaine,
S’il rendait un culte avéré
Aux lieux où tout peuple adore
Et qu’il en revînt éclairé
Sur tant de devoirs qu’il immole,
S’il ne croyait plus que ce lieu
N’enferme qu’un vain simulacre
Et que la main du saint diacre
Ôtât l’écaille de ses yeux,
Si la cour, cette basse esclave
Qui rampe, à replis tortueux,
Abjurait Rome et son conclave,
Si d’Antin devenait plus brave,
Et Chauvelin plus vertueux
Si la Carignan interdite
Par quelque miracle nouveau
Sentait travailler son cerveau
Et cessait d’être une hypocrite,
Si la sage crédulité
Rompait le mur d’iniquité,
Si la docile complaisance
Combattait pour la conscience,
Et si le dernier des Romains,
Pucelle, dans sa noble audace,
Parmi les dangereux essaims
De flatteurs, de valets en place
Parlait à Louis face à face ;
Si pleine d’un esprit plus cher
Que celui que la faveur donne,
La Carcasse de la Sorbonne,
Recouvrait ses muscles, sa chair,
Retrouvait ses traits de lumière,
Sa gloire, sa beauté première
Dans ses visites aux saints lieux,
Et pour tout dire avec franchise,
Si les ministres de l’Église,
Les prélats, allaient croire en Dieu ?
Alors plus de trait de satire,
Plus de brevet ; même au sourire
Il faudrait dire un long adieu,
Du libertinage au martyre
Nul intervalle, nul milieu.
Bientôt tomberait le délire,
Source d’erreurs et d’attentats,
Par qui fleurissent nos États.
Craignons l’éclat de ces miracles
Qui, sur la foi de tant d’oracles,
Nous confirment la vérité
De l’éternelle charité.
Non qu’à l’âme peu pénétrée
Des maux d’autrui, d’état fâcheux
Nous prétendions fermer l’entrée
À la tombe du Bienheureux.
Notre intention n’est point telle ;
Et si de la foi dans Fleury
Il reste encore quelque étincelle,
Que dans l’espoir d’être guéri
Il y porte son hydrocèle,
Qu’il y marche animé de zèle.
Veut-il en laisse sur ses pas
Même y mener la cour entière,
Bourbon ne refusera pas
De fermer cette marche altière.
Il pourra recouvrer son œil
Dans la ferveur de la prière.
Mais si la vertu du cercueil
Tout entier l’ouvre à la lumière,
Que ce ne soit plus à demi,
Qu’il observe son ennemi ;
Que par lui, dans sa juste haine,
Le Parlement soit secondé,
Et s’il se peut qu’il n’en revienne
Qu’avec l’âme du grand Condé.
Partant, vu le réquisitoire
Sous nos yeux mis tout fraîchement
Par les suppôts du Régiment
Intéressés à notre gloire,
Voulons que notre mandement,
Ainsi qu’au temple de Mémoire
Dans le temple du dieu Momus,
Se lise entre nos Oremus.
Fait le jour même où dans les transes
De tous les ordres de l’Etat
Louis, de son premier Sénat
A rejeté les remontrances,
Où, trop abusé sur ses droits,
Par surprise et sourd sans mesures,
Avec des intentions pures
Il renversa toutes les lois.

 

Numéro
$4117


Année
1731




Références

1732/1735, III,106-10 - 1752, III,106-10 - F.Fr.10286 (Barbier), f°234-36 - F. Fr.10476, f°80r-83r - F.Fr.12785, f°186 et f°187 - F.Fr.12797, f°36-38 - F.Fr.12800, p.368-73 - F.Fr.15017, f°49r-55r - F.Fr.15021, f°16v-18v - F.Fr.15145, p.1-11 - F.Fr.25570, p.51-57 - Nouv.Acq.Fr. 2485, f°154r-156r- Arsenal 2938, f°73r-74v - Arsenal 2975, p.119-26 - Arsenal, 3359, p.333-38 - BHVP, MS 653, p.350-55 - Mazarine 2356, f°57r-59v - Mazarine, 3971, p.316-26 - Bordeaux BM, MS 700, f°474v-478r - Lille BM, MS 64, p.292-302 - Lyon BM, Palais des arts, MS 51/2, f°114r-116r - Lyon BM, Palais des arts, 54, f°3-6 -  Académie de Lyon, MS 126, f°7v-8v - F.Fr.15021, f°16v-18v - Toulouse BM, MS 861, p.573-77