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Brevet du Régiment pour les avocats au sujet de leur consultation.

Brevet pour les avocats
Momus, dessus son trône assis,
Tenant à la main sa marotte,
Recueillait un jour les avis
Du Régiment de la Calotte
Pour choisir un digne sujet,
Homme versé dans la satire,
Des plus approchant du délire,
Et par conséquent bien au fait
Des visions de son empire.
On nomma plusieurs magistrats,
Gens d’humeur toujours renfrognée.
Cela ne nous convient pas
Dit-il, faute de ducats,
Et jamais dans toute l’année
Ils ne travailleraient pour nous,
Car nul jugement faute d’épices,
Comme point d’argent, point de Suisse.
Ils nous abandonneraient tous
S’ils voyaient manquer la finance.
De l’ouvrage ils ne sont jaloux
Que lorsqu’on les paie d’avance.
Outre qu’on sait que leur science,
Hors la routine du palais
Qu’ils répètent en perroquet,
En fait les moins estimés de France (sic)
Un fort grand bruit dans le moment
Fut entendu dans l’assemblée ;
Les uns criaient confusément
Comme un soldat dans la mêlée,
D’autres mordaient comme des chiens
Qui se déchirent les oreilles,
Croassant plus que des corneilles
Du sabbat des magistrats
Offraient une peinture affreuse.
Quelle est donc cette troupe hideuse ?
S’écrira le divin Momus.
Je la conduis, dit la Folie,
Des avocats, c’est la manie
De paraître toujours confus.
Ne les reconnaissez-vous plus ?
Du royaume de hurlerie
Ils possèdent tous les trésors ;
L’orgueil et la forfanterie
Animent ce fantasque corps,
Du moins une bonne partie
Qui se croient au-dessus des lois,
Vrais sectateurs des républiques
Et comme indépendants des rois,
Assurent d’un ton dogmatique
Que seuls ils maintiennent les droits
Et font la sûreté publique.
Cicéron, orateur fameux,
Dont ils empruntent l’éloquence,
Souvent se donnait la licence
De douter du pouvoir des dieux.
Nos orateurs le font de même.
Ils parlent en termes fleuris
Et dans le cœur d’un anathème.
Ils ne sont envis [?] ni surpris.
Sans choix, d’une ardeur sans seconde,
Ils défendent avec fracas
La cause du Sauveur du monde
Comme celle de Barabas.
Souvenez-vous de cet ouvrage
Qu’ils ont fait depuis peu de jours,
Et combien leur docte secours
Nous a procuré d’avantages.
Par des mots fins et captieux,
Ils ont brouillé tant de cervelles
Qu’il vient chaque jour en ces lieux
Un nombre infini de femelles.
À présent la religion,
Suivant leur consultation
Sur l’ordonnance et le Digeste,
Ne fait plus de décision
Que l’on ne blâme et ne conteste.
Il ne faut que faire un appel
Pour dormir ensuite tranquille.
C’est un acte si solennel
Qu’il détruit même l’Évangile.
Lorsque le Saint Esprit voudra
Désormais instruire l’Église,
S’il ne veut pas qu’on le méprise,
Ce praticien il suivra,
Ou nettement l’on traitera
Son assistance de surprise.
De plus, cet écrit nous apprend
Qu’il faut que Rome à présent sache
Que son autorité dépend
De leurs avis absolument,
Et ne vaut rien sans leur attache.
Le peuple calotin sourit,
Et d’un ton de voix dur et rogue,
De plus grand jusqu’au plus petit,
À la folie on applaudit,
Disant : il n’est plus équivoque,
La preuve est complète aujourd’hui.
Il faut à cette compagnie
Que notre greffier expédie
Dans des termes dignes de lui
Et de ceux qu’on nous associe,
Le brevet de seul défenseur
Des conséquences calotines,
Ensemble, de grand protecteur,
Fauteur des nations mutines.
Défendons à qui que ce soit
D’interrompre leurs plaidoiries,
Quoiqu’on sache en plus d’un endroit
Que la vérité, le bon droit
Et la pudeur y sont flétris.
Mais à l’égard de l’ornement
Qu’il faudra mettre à leur calotte,
Aubry, Prévost et Le Normant,
Avec tous ceux du premier rang
Porteront la grande marotte ;
Les autres, nommés le fretin,
Qui signent par obéissance,
Ou si l’on veut par ignorance,
N’auront pas le même destin.
Leur donnons un collier de crin
Avec une chaîne de cuivre
Que tiendra Perrin, leur doyen,
Pour leur procurer le moyen
D’entrer chez nous et de le suivre.
Fait l’an sans savoir pourquoi
Les femmes jugent de la foi.

 

Numéro
$4246


Année
1730




Références

1754, V, 51-55 - F.Fr.12655, p.111-15  - F.Fr.12785, f°1564r-165r - - F.Fr.13660, f°142-144 - F.Fr.15015, f° 67r-70v - F.Fr.15021, f°14r-16v - F.Fr.15144, p.63-72 - F.Fr.25570, p.541-45 - Nouv.Acq.Fr. 2485, f° 117r-119r et f° 126r-127r - Arsenal, 3359, p.305-10 - BHVP, MS 602, f°236v-238v - Grenoble, BM, 587, f°147v-150r