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Calotte pour le Cardinal Fleury

Calotte pour le Cardinal de Fleury, où l'on lui propose des Essais de dogmes en prose et de catéchisme en vers, à l'usage du Régiment de la Calotte, à l'effet qu'en qualité de surintendant de la théologie de ce Régiment, il se conforme à ces dogmes et à ce catéchisme pour l'instruction des calotins.

 

Lettre patente de surintendant de la théologie du Régiment de la Calotte

en faveur du cardinal de Fleury

À tous présents et à venir, salut. Dans le temps que le procès de la mort allait être fait et parfait dans notre Conseil d’État pour la bannir à perpétuité de vos États, par le prodigieux succès avec lequel, à son grand désespoir nous travaillions nous-même à l’incomparable élixir de contremort pour nous assurer enfin l’immortalité corporelle et la procurer à tous nos sujets, ce qui allait mettre le comble à notre gloire. Nous avons été obligés d’abandonner au plus vite fourneaux, charbon, soufflets, alambics, récipients, enfin tout notre laboratoire, ainsi que toutes nos autres affaires, pour nous opposer de toutes nos forces à d’autres désordres bien plus épouvantables que ceux de la mort même. Nous avons sué sang et eau à force de pourchasser de toute part une fourmilière d’atrabilaires de l’un et de l’autre sexe, qui s’entêtaient des dogmes de l’antiquité, au détriment de notre orthodoxité. Cet abus nous aurait fait crever de douleur sans nos très calotines précautions. Pour y couper broche, nous avons expressément défendu à tous nos sujets de parler de religion, même d’y penser. Nous avons pris toutes les mesures possibles pour que rien ne s’imprime qui ne soit de notre goût. Nos papeteries sont presque épuisées tant elles ont fourni de papier à nos lettres de cachet. Pour en faire redouter plus l’effet, nous avons donné plein pouvoir à nos secrétaires d’État, au lieutenant général de notre bonne ville de Constitutionopole et à divers évêques d’une rare suffisance, d’en décerner arbitrairement et de les mettre à exécution de leur seule autorité, même à notre insu ; nous avons fait emprisonner un nombre infini de personnes et de familles entières ; nous avons employé la peine infamante du carcan pour faire des exemples publics ; enfin nous nous flattons d’avoir anéanti, ou du moins bien abasourdi la pernicieuse cabale qui, sans nos attentions auxquelles rien n’échappe, aurait à présent infecté tout notre empire de l’immense fatras des dogmes pitoyables et des écrits chimériques de ces anciens fanatiques qu’autrefois les nigauds appelaient Apôtres ou Pères de l’Église. La glorieuse renommée de notre domination a porté quantité d’habiles gens dans toutes sortes de sciences, d’arts et de professions, à nous en joyeusement congratuler. Nos parlements avaient voulu faire les rétifs ; mais nous avons su les forcer à respectueusement et très canoniquement enregistrer notre déclaration à ce sujet. Après tant de glorieux succès, qui de beaucoup ont outrepassé nos espérances, nous aurions tout lieu d’appréhender l’excès de la joie que nous en ressentons, s’il était possible que la joie pût déranger la santé, surtout du grand chef des calotins. Pour mettre la dernière main à notre entreprise, qui fera envier la gloire de notre nom aux siècles les plus reculés, et en attendant que nous puissions faire débiter notre élixir de contremort, notre infatigable application à établir et maintenir le bon ordre nous a fait concevoir le dessein de pourvoir à l’instruction de la jeunesse calotine, afin qu’après le décès des pères et mères, que bien à notre grand regret nous aurons encore la douleur de voir mourir, faute dudit élixir de contremort, leurs enfants du moins les fassent revivre et méritent un jour la grâce de notre bienveillance en marchant sur leurs traces. Pour y parvenir, il nous a paru d’autant plus nécessaire de faire des établissements dignes de nous ; que sans cette précaution, il y aurait tout lieu d’appréhender que, par surprise, les jeunes calotins ne suçassent de dangereuses maximes, s’ils avaient le malheur d’être instruits par ces ignorants théologiens que nous avons proscrits et que nous proscrivons, et qui sans doute auraient la témérité de leur inspirer du respect pour leurs visions cornues de l’antiquité et du mépris pour les nouveautés que nous adoptons.

Mais, pour qu’à l’avenir on ne prenne plus le change, il nous a paru encore nécessaire, en premier lieu, de créer une charge de surintendant de notre théologie pour tenir la main à ce que nos dogmes se conservent à jamais dans leur pureté. En deuxième lieu, d’écarter tous obstacles dans l’exercice de cette charge, en supprimant le très abusif usage de conciles, soi-disant généraux ou œcuméniques, qui, jusqu’à ce présent, ont eu l’extravagance de s’approprier le prétendu privilège exclusif de décider des matières de foi ; nous réservant toutefois la faculté d’en faire tenir de provinciaux, au plus de nationaux, pour donner force et autorité à nos dogmes calotins, s’il est besoin, à l’instar de celui que dans le Vème siècle Dioscore, ce patriarche d’Alexandrie, fit tenir à Éphèse, en faveur d’Entiches, ou pour châtier canoniquement évêques, abbés, curés et autres prestolets séculiers et réguliers, entêtés et rebelles, à l’instar que celui, tout novissime, que Tencin, archevêque d’Embrun, vient de tenir contre son suffragant, l’évêque de Senez. En troisième lieu, d’ordonner qu’à l’avenir toutes les matières ecclésiastiques de foi, de hiérarchie et de discipline, seront réglées et décidées par nos édits, déclarations et arrêts de notre conseil d’État ; et pour accélérer lesdites décisions, le surintendant de notre théologie, ci-après dénommé, sera tenu de faire dresser et sceller sous la cheminée et porte close de son cabinet, imprimer, publier, et débiter à son gré, même sans nous en donner avis, nosdits édits, déclarations et arrêts de notre conseil d’État. En quatrième lieu, de proposer dès à présent quelques dogmes de notre goût, pour que ledit surintendant s’y conforme lorsqu’il composera sa somme de théologie. En cinquième lieu, d’arrêter et rendre public un invariable état des véritables Pères de l’Église pour qu’il n’en soit plus reconnu d’autres que ceux qui seront compris dans ledit état. En sixième lieu enfin, de dresser nous-même le plan d’un catéchisme en couplets de chanson, sur l’air dévot Or nous dites Marie, desquels nous donnerons ci-après quelques essais, à l’effet que pareillement ledit surintendant s’y conforme, pour faire instruire gaiement les jeunes calotins, et aussi pour prévenir les changements que des esprits inquiets et turbulents ne manqueraient pas de glisser dans ledit catéchisme. Une seule difficulté a retardé l’effet de nos intentions. Nous cherchions un théologien assez habile pour mériter que nous lui fissions l’honneur de lui confier une si éminente surintendance, qui doit avoir la gloire de former des sujets propres à catéchiser d’abord les jeunes calotins, ensuite à prêcher aux plus âgés, le tout suivant nos maximes. Notre embarras a heureusement cessé par la découverte que nous avons faite des rares talents et de la profonde théologie de notre féal et bien amé de Fleury ; il en a donné tant de preuves, qu’enfin nous nous sommes déterminés en sa faveur. Nous sommes persuadé que notre choix aura une approbation universelle, pour peu qu’on ait entendu parler du zèle et de l’érudition avec lesquels, par préférence à tout, ce savant homme a entrepris la défense de la respectable Constitution Unigenitus, sans aucun égard à certaines contrariétés qui, à la vérité, empêchent de comprendre comment et pourquoi cette bulle a pu anathémiser, au point de qualifier impies, hérétiques, blasphématoires des propositions sur l’amour de Dieu, la grâce, la liberté de l’homme, la concupiscence, l’occasion prochaine et autres pareilles matières, sur lesquelles néanmoins lesdites propositions sont précisément conformes à ce que précédemment tous les souverains de Rome ont pensé et décidé sur lesdites matières. Il ne faut pas douter que ce sublime théologien n’ait eu de grandes raisons de politique pour entreprendre ce grand ouvrage, d’autant mieux fondé que lesdits souverains, depuis leur monarchie, mais surtout depuis leur infaillibilité, sont bien plus éclairés que l’étaient leurs prédécesseurs qui, en francs benêts, négligeaient et méprisaient même le temporel, tant le spirituel leur échauffait la cervelle. Quoi qu’il en soit, sans ses soins, sa vigilance, sa fermeté, ladite Bulle (l’ouvrage du fameux Francolin, Ignatien) serait à présent honnie, même aurait été réduite à la dernière misère, à force d’être le jouet de ces antiquaires qui ont eu l’audace de la huer, quoique nous l’ayons acceptée, même adoptée, comme le chef-d’œuvre des théologiens calotins, et en effet la base fondamentale de l’unique théologie qu’il faille unanimement enseigner. À ces causes et autres, à ce nous mouvant, de l’avis des plus savants et religieux Ignatiens de toute nations, seuls docteurs en théologie, surtout dudit Francolin, et de quantité d’autres grands et notables théologiens leurs adhérents, et de notre certaine science, pleine puissance et autorité éminement calotine, nous avons dit, statué et ordonné, disons, statuons et ordonnons, voulons et nous plaît ce qui suit.

 

Article Ier

En vertu des présentes, nous avons créé et créons la charge perpétuelle et irrévocable de surintendant de la théologie de notre Régiment de la Calotte en faveur dudit de Fleury, que nous y avons nommé et nommons, pour par lui jouir des honneurs, droits, privilèges, prérogatives et émoluments que nous avons attachés à une si éminente charge, et pour le mettre en état d’en remplir les fonctions avec un désintéressement vraiment ecclésiastique, lui avons accordé et accordons à perpétuité un litron de zéro à toucher chaque année sur les fonds qui proviendront du débit qui sera fait à notre profit de l’élixir de contremort ; laquelle somme nous passerons sans difficulté quelconque sur ses simples quittances dans les comptes qui nous seront annuellement rendus par le Sieur Pelletier des Forts, notre caissier général dudit débit.

 

Article 2ème

Pour donner plus de lustre et d’éclat à la dignité dudit Fleury, voulons que, par dessus sa barrette, il porte un bonnet carré vert à trois cornes, sur lequel, en guise de houppe, soit la calotte dont nous l’avons honoré et honorons, comme aussi que la face antérieure dudit bonnet soit décoré d’une médaille de plomb à trois pouces de diamètre, sur laquelle notre académie des médailles aura fait frapper à nos frais un groupe bien correct de deux Ignatiens accouplés en joueurs de pet-en-gueule, leur bonnet carré en tête, et leur robe retroussée avec ces mots : Molina et Escobar prenant leur récréation.

 

Article 3ème

Ordonnons qu’incessamment, aux frais de notre susdite caisse, et sous la direction de notre premier architecte, il soit élevé et construit sur le terrain de la place Maubert, un palais pour y loger ledit de Fleury ; que le frontispice dudit palais soit pareillement décoré du groupe en marbre noir des susdits deux Ignatiens, de la proportion de deux pieds de grandeur, au-dessous duquel, sur un cristal de roche de 30 pouces de long sur 20 de large seront écrits ces mots en caractères majuscules couleur d’azur : La surintendance de la théologie calotine. Mais, afin que dans ce palais ledit de Fleury, d’un côté soit moins distrait lorsqu’il travaillera à ses ouvrages théologiques, et que de l’autre il puisse commodément, sans sortir de chez lui, catéchiser, même dogmatiser, les harengères de ladite place et tous les passants, voulons que son appartement soit à rez-de-chaussée, composé de quatre pièces de plain pied, chacune de 8 pieds de long sur 6 de large, et 9 de haut, et que pour la sûreté et conservation d’un si précieux personnage, chacune desdites pièces soit éclairée par deux croisées rondes en yeux de bœuf de 20 pouces de diamètre, grillées de double grille de fer en dedans et en dehors ; lesdites pièces pour lui servir, l’une à coucher, l’autre à manger ; la 3ème, de cabinet pour composer ses ouvrages, et la 4ème, de salle pour y tenir ses écoles de théologie. Laissons à notre dit premier architecte pleine et entière liberté de faire construire à son gré les cuisines, écuries, latrines et autres commodités dudit lieu.

 

Article 4ème

Nous avons supprimé et abrogé, et par ces présentes supprimons et abrogeons l’impertinent et dangereux, et très abusif usage des conciles, soi-disant généraux et œcuméniques, comme aussi le prétendu droit que frauduleusement et sans titre ils ont usurpé de décider souverainement toutes les matières de foi, et de hiérarchie, et de discipline, donnant pour ce toute cour et jurisdiction aux seuls souverains de Rome, seuls infaillibles dans leurs décisions, nous réservant toutefois la faculté de faire tenir tels conciles provinciaux, même nationaux, qu’il plaira audit de Fleury, soit pour donner plus de force et d’autorité aux décisions desdits souverains, soit pour punir comme criminels de lèse-calotte tout rebelle et réfractaire, de quelque rang, état et profession et sexe qu’il puisse être.

 

Article 5ème

Voulons qu’indépendamment desdites décisions de Rome, ledit de Fleury puisse à son gré, et en vertu de l’autorité dont nous l’avons revêtu, faire dresser porte close, sous la cheminée de son dit cabinet, sceller ensuite de notre grand sceau, imprimer, publier, et débiter partout où besoin sera, tous édits, déclarations et arrêts de notre conseil pour régler, décider et ordonner ce qu’il avisera concernant toutes sortes de matières ecclésiastiques ; lesquels édits, déclarations et arrêts nous promettons et jurons, foi de grand calotin, d’approuver et autoriser dès à présent comme pour lors, notre intention étant qu’humble foi y soit ajoutée avec respect et entière obéissance, comme s’ils étaient émanés de notre autorité et réellement signés de nous, ne s’agissant plus de fond des affaires, mais uniquement de leur forme.

 

Article 6ème

Enjoignons à tous nos sujets, en conséquence des admirables décisions des casuistes ignatiens ci-après cités, d’ajouter foi aux dogmes calotins que nous allons proposer pour modèle de tous ceux que nous ordonnons audit de Fleury de composer en sa somme théologique ; voulons que dans tous les lieux, pays et terres de notre obéissance, lesdits dogmes soient reçus avec respect et soumission, sans discussion, contestation, ni opposition quelconque, à peine d’être à perpétuité esclave des absurdités évangéliques, apostoliques, hiérarchiques et autres que l’antiquité a eu la sottise d’adopter et d’enseigner, quoique diamétralement opposées aux dogmes calotins.

 

Essais des dogmes calotins

Molina, Sfrondat

I. C’est un bienfait de Dieu et un effet de sa miséricorde de ne le pas connaître, parce qu’en ce cas, on ne peut l’offenser, puisqu’il est impossible d’offenser un inconnu.

 

Pirot, Tambourin, Pinchereau

2. On n’est point obligé à aimer Dieu une fois en sa vie, par aucun précepte qui se termine à cet amour.

 

Cabrespine

3. Pour en être quitte du commandement d’aimer Dieu, il suffit de ne le point haïr.

 

Sirmond

4. Lorsque Jésus-Christ a versé son sang, il a eu en vue de nous délivrer de la peine de l’aimer.

 

Bissy, les évêques de Xaintes, Marseille, Soissons, Vintimille, archevêque de Paris.

Nota — La Constitution Unigenitus a anathémisé tous les dogmes de l’antiquité sur l’amour de Dieu, en condamnant les 47, 49, 51 et 57 propositions des cent et une.

 

Lorithion

5. C’est un acte de religion de prier Dieu avec des distractions volontaires, puisque d’honorer de faux dieux, quoiqu’avec de pareilles distractions, c’est un vrai acte d’idolâtrie. La parité est incontestable.

 

Layman, Pascaligo, Filiutin, Lavoix, Busembaum, Gobat

6. Une mauvaise intention, jointe à un extérieur modeste, et au dessein d’entendre la messe, n’empêchera pas de satisfaire au précepte de l’entendre, comme par exemple d’y faire voir sa beauté, ses riches habits, ses bijoux, de s’y divertir à regarder impudiquement une fille, d’y concerter des intrigues amoureuses.

 

Bauny

7. Causer un instant à la messe n’est que faute vénielle ; ainsi après avoir causé, si on rentre dans la modestie requise, quoique cette alternative dure pendant toute la messe, et que les instants de causerie et d’attention soient fort égaux, on l’aura entendu, parce qu’on l’on n’aurait fait que plusieurs fautes vénielles, dont cent mille ne font point violer un précepte.

 

Escobar, Sanctius

8. On peut manger tout son saoul sans aucune nécessité.

 

Pirot

9. Ce n’est que la complaisance qu’on a pour les dames qui peut porter la rigueur de condamner de péché mortel ceux qui s’engorgent jusqu’à vomir. Il vaudrait mieux consoler une personne en cet état par les paroles de l’Évangile (Math. Chap. 15.V.ii) où Jésus-Christ lui-même dit : Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme, et faire entendre à ces casuistes si délicats que toutes les choses qui sont indécentes à notre égard ne font pas soulever le cœur à Dieu.

 

Filiutius, Sanchez

10. On peut sans péché prendre des yeux et des mains des libertés sur son corps, et sur ceux des autres.

 

Les mêmes

11. On peut désirer de jouir de telle personne que ce puisse être, en sous-entendant la condition, si l’on l’avait pour femme, étant garçon ou marié, ou si on l’avait pour mari, étant fille ou mariée.

 

Les mêmes

12. Une religieuse peut souhaiter très licitement de faire une œuvre charnelle avec tel homme que ce puisse être, pourvu qu’elle n’y prétende qu’au cas qu’il fût son mari.

 

13. Emmanuel Sa

13. Il est permis aux religieuses de se parer par vanité et pour paraître belle, sans autre risque que d’une faute vénielle. Si quelqu’un en prend occasion de pécher, c’est son affaire, où la religieuse ne doit point entrer.

 

Lestiau

14. Les femmes ne pèchent pas mortellement quand elles s’exposent à la vue des jeunes gens, encore qu’elles sachent bien qu’ils les regarderont avec des yeux impudiques ; si elles le font par quelque nécessité ou utilité, ou pour ne point perdre la liberté et le droit de sortir de leur maison, ou de se tenir à leur porte ou à leur fenêtre.

 

Lestiau

15. Ni quand elles se servent d’habits si déliés qu’on leur voit le sein, quand même elles se découvriraient, si c’est la mode de leur pays, et non par aucune mauvaise intention de pécher.

 

Mascharchenar

16. Ni quand elles se servent de vaines parures, de fard, de parfum, précisément par le motif d’une petite vaine gloire et pour contenter le plaisir qu’elles ont d’être belles, encore qu’elles soient persuadées que des hommes, les voyant ainsi parées, concevront pour elles un violent amour.

 

Escobar, Henriquez, Filiutius

17. Le sacrement de pénitence justifie, avec la seule crainte des peines, sans aucun sentiment d’amour de Dieu.

 

Les mêmes

18. Quand on serait coupable de tous crimes des damnés, il suffit de s’être confessé, avec promesse au confesseur de se corriger, pour communier aussitôt après cette confession.

 

Bissy, les évêques de Marseille, Xaintes, Soissons, Vintimille

19. Il suffit, pour recevoir le sacrement de pénitence, d’être fâché d’avoir offensé Dieu, par la crainte de quelque mal temporel, comme dérangement d’affaires, maladies, peste, famine, guerre, grêle, incendie, inondation.

Nota — La Constitution Unigenitus a anathémisé les sentiments de l’antiquité sur cette matière en condamnant la 61ème proposition.

 

Escobar

20. C’est une chose certaine qu’un amour désordonné des richesses n’est qu’un péché véniel.

 

Le même

21. Un domestique qui n’est pas payé de ses gages, peut sans péché voler l’équivalent à son maître.

 

Buffier

22. De même, un maquignon peut engraisser un cheval par artifice, même le faire teindre afin qu’il soit plus de vente, parce que chacun doit vivre de son métier, et que ce n’est point un mal d’éviter sa perte, de quelque moyen qu’on se serve pour y parvenir.

 

Le même

23. Un joueur qui se trouve devant un miroir dans lequel il voit le jeu de son adversaire, peut profiter du hasard, attendu qu’il ne s’y est pas mis exprès, et que c’est à l’autre de mieux prendre ses mesures.

 

Buffier

24. Un joueur de piquet peut adroitement reprendre dans son écart ce qu’il a jeté mal à propos.

 

Jacob, Maiz

25. Jamais l’occasion prochaine ne doit faire refuser l’absolution quand il y a une bonne raison de ne la pas quitter : la rechute est une raison qui n’a pas de bon sens, ni la moindre apparence de vérité.

Nota — La Constitution Unigenitus a anathémisé tous les dogmes de l’antiquité sur cette matière en condamnant les 8 et 88ème propositions.

 

Bouhours

26. La grâce n’est qu’un je ne sais quoi.

 

Molina

27. Il n’y a plus que des grâces suffisantes ; jamais il n’y en a d’efficace.

 

Francolin

28. Pour comprendre clairement ce que c’est que la grâce, il n’y a qu’à la distinguer en congrue et incongrue.

 

29. La grâce congrue est celle qui se conforme à la situation où se trouve l’homme qu’elle aide, s’il veut faire le bien et qu’elle laisse faire, s’il veut faire le mal.

 

30. L’incongrue est celle qui vient à l’homme mal à propos et à contretemps de ses intentions

 

Bissy, les évêques de Marseille, Xaintes. Kasnedy

Nota — La Constitution Unigenitus a anathémisé tous les dogmes de l’antiquité sur la grâce en condamnant les 15, 24 et 25ème propositions.

 

31. Les commandements de Dieu sont directs ou réflexes.

 

32. Le commandement direct est celui que Dieu nous fait de sa seule autorité ; il peut être cause du péché de la part de l’homme.

 

33. Le commandement réflexe est celui que Dieu nous fait en conséquence de l’avis de notre conscience, que nous devons toujours écouter tout ce qu’elle nous propose, devant être regardée comme un commandement de Dieu, fût-ce adultère, vol, meurtre, etc.

 

Bissy, les évêques de Marseille, Xaintes, Molina, Vaillant

34. Pour que l’homme puisse pécher, il faut que sa volonté soit dans un parfait équilibre entre le bien et le mal. Si elle n’y est pas, il ne pèche point, quoiqu’il fasse.

 

Molina, Vaillant

35. L’on ne pèche point, dans l’action même des plus grands crimes, si on ne fait pas une attention expresse et actuelle à Dieu, ni à la malice du péché, qui en ce cas n’est que philosophique, laquelle espèce de péché ne peut jamais intéresser la conscience.

Nota — La Constitution Unigenitus a anathémisé tous les dogmes de l’antiquité sur cette matière en condamnant la 56ème proposition.

 

Lesquels susdits dogmes calotins, quoiqu’en petit nombre, nous ont paru plus que suffisants, pour donner audit de Fleury une idée bien claire et nette de tous ceux qui sont et seront de notre goût et des sources d’où il doit les puiser ; nous réservant toutefois de faire incessamment tenir l’assemblée générale de nos États pour y être de nouveau délibéré sur certaines maximes ignatiennes qui nous choquent, nous paraissant avoir inspiré par un zèle de religion un peu vif et indiscret, entre autres celles qui relèvent les sujets du serment de fidélité ; celles qui abandonnent au bras séculier la couronne, même la vie des rois ; celles qui soumettent le temporel de tous les potentats à l’arbitraire direction de celui de Rome ; et pour que nous puissions faire droit avec connaissance de cause sur lesdites maximes, nous ordonnons que dans un mois, pour toute préfixion et délai, les casuistes ignatiens qui en sont les auteurs remettront à notre greffe les titres et pièces, pour par nous-même être examinés. Sinon, et à faute de ce, il sera procédé contre eux suivant la rigueur de nos ordonnances.

 

Article 7

Faisons très expresses inhibitions et défenses à tous nos sujets calotins, de quelque rang, sexe, profession et génie qu’ils soient, à peine d’être à perpétuité banni ignomineusement de nos États, de reconnaître autrement que pour fieffés butors les nommés Mathieu, Marc, Luc, Jean, Pierre, Paul, Irénée, Épiphane, Justin, Tertullien, Origène, Cypiren, Denis d’Alexandrie, Basile, Athanase, Jérôme, Augustin, Optat de Milère, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nice, Cyrille, Ambroise, Prosper, Fulgence, Jean Chrysostôme, Théodore, Eusèbe, Sulpice Sévère, Germain d’Auxerre, Loup de Troyes, Césaire d’Arles, Flavien de Constantinople, Léon, Grégoire soit disant le Grand, Bernard, Thomas, Bonaventure et autres pareils antiques visionnaires, que par abus les ignares et non lettrés ont eu la stupidité d’appeler Docteurs et Pères de l’Église. Nous avons supprimé et pour jamais supprimons tous leurs ouvrages ; et pour éviter les désordres qu’ils pourraient encore causer, voulons que sans exception et de toutes parts de l’univers, tous les exemplaires en soient apportés chez le lieutenant général de police de notre bonne ville de Constitutionopole, pour par lui leur procès être fait et parfait en dernier ressort, dont nous lui donnons toute cour et jurisdiction, l’interdisant à tous autres juges. Condamnons dès à présent, comme pour lors, tous lesdits ouvrages, à être empilés dans les plaines de Saint-Denis, de Sablons et de Grenelle, et là être brûlés par la main dudit Fleury lui-même, pour qu’il ne puisse douter de l’anéantissement desdits ouvrages, et que leur souvenir soit éteint par leurs cendres, de laquelle nous faisons don audit lieutenant général de police, pour le rembourser de ses frais par la vente qu’il en fera aux blanchisseuses de Paris, de Chaillot et ailleurs.

 

Article 8ème

Ordonnons que sans difficultés, contradictions ni exceptions quelconques, en vertu des présentes, petits et grands, jeunes et vieux, ignares et savants, apprentifs et maîtres, novices et profès, exempts et non exempts, et généralement tous nos sujets reconnaissent pour vrais et uniques casuistes les pieux et très savants Ignatiens et leurs adhérents ci-après dénommés, savoir Molina, Sanchez, Suarez, Lange, Bauny, Gobat, Escobar, Tambourin, Discatillus, Garnez, Oldecorne, Guignard, Henriquez, Sfrondate, Ariaga, Kirkès, Sexillus, Laiman, Filiutius, Busenbaum, Pascaligo, Sanctius, Burgabert, Mascarhenas, Masmakre, Maez, Emmanuel Sa, Mathieu Sfort, Martinot, Vaillant, Lamy, Pirot, Pinchereau, Deschamps, Adam, Bouhours, Hardouin, Lavoix, Jacops, Le Moine, Coton, La Chaise, Tellier, Francolin, Kasnedy, Lesseau, Lothioir, Vaudripont, Philipes, Buffier, Cabrespine, Lallemant et leurs illustres adhérents et secrétaires de Clément XI, Fabrony, Mailly, de Vaux, Bissy, les évêques de Marseille, Léon, Xaintes, Soissons, enfin le nouvel archevêque de Paris, auxquels nous avons donné et donnons titres, droits, honneurs et privilèges, immunités, prérogatives, prétentions, noms de Docteurs et Pères de l’Église ; aux dogmes et décisions desquels tous susdits en général et en particulier, voulons que foi soit ajoutée comme à nous-même, attendu que jamais on ne dira d’eux ce que le Dictionnaire de Trévoux a dit si judicieusement de tous les sujets anciens, prétendus Docteurs et Pères de l’Église, que par l’article précédent nous avons rejeté, cassé et supprimé, lesquels il définit en ces termes. Les Pères de l’Église sont bonnes gens ; mais ils ne sont pas savants. Quand on les considère de près, on rabat bien de cette haute idée que les siècles leur ont attirée. Le grand éloignement qu’il y a entre eux et nous, nous les fait paraître plus grands qu’ils ne sont. Les Pères avaient plus d’imagination et de vivacité d’esprit que de jugement et de bon sens. Ils donnaient trop dans le brillant et les allégories ; la justesse d’esprit était la chose dont ils se piquaient le moins, et ce que pareillement le grand Hardouin en a dit, parlant d’eux et de la tradition, en ces termes : « Tous les Pères, la tradition entière sont tous ouvrages supposés, des faussaires et rien plus. »

Voulons qu’on respecte de tels oracles avec la vénération due à des génies sublimes, exprès envoyés du Ciel pour enfin apprendre aux hommes ce que c’est que justesse d’esprit et bon sens, dont jusqu’à eux l’univers entier n’avait eu que des idées très confuses, et attendu l’incontestable infaillibilité de leurs décisions, comme aussi sans aucun égard à toute la prétendue et chimérique tradition de l’antiquité, laquelle nous avons pareillement proscrite et proscrivons. Que l’année 1555, qui a été celle de l’entrée du patriarche Molina dans la Société ignatienne, soit à l’avenir l’époque d’où commencera la vraie et l’unique tradition ecclésiastique. Mais, pour empêcher que de mauvais plaisants, qui sans cesse ne font que médire de leur prochain, n’aillent s’aviser à notre grand déshonneur, et à l’avilissement des fonctions dudit de Fleury, de nous reprocher d’avoir inconsidérément mis au nombre des Docteurs et Pères de l’Église de prétendus scélérats qui ont été mis à mort pour crimes, notre vigilante prévoyance nous a déterminés à réhabiliter, comme en effet par ces présentes nous réhabilitons la mémoire, quelque infâme qu’elle puisse être, de trois Ignatiens d’entre les susdits dénommés, savoir Garnez, Oldecorne et Guignard, auxquels, en tant que besoin est ou serait, nous accordons nos lettres d’abolition de grâce, pour leur servir et valoir ce que de raison ; notre intention étant qu’elles portent leur plein et entier effet en leur faveur, comme s’ils vivaient encore, et qu’il soit à leur honneur et gloire ; qu’ils n’ont passé par les mains du bourreau que pour excès de religion.

 

Article 9ème

Notre infatigable application au bien public nous ayant porté par les motifs précédemment expliqués, à faire nous-même, pour inférer plus de respect, insérer et incorporer dans les présentes, à ce que personne n’en ignore, quelques essais de couplets pour servir de modèle au catéchisme que ledit de Fleury composera et fera imprimer pour l’instruction de la jeunesse calotine. Il nous a paru que quelques-unes des matières qui ont excité ladite Constitution Unigenitus à lancer, du plus haut de son capitole, les foudres sur l’antiquité, méritaient par cela même notre préférence, dans le ferme dessein où nous sommes de ne nous jamais départir de ladite bulle. Comme aussi, qu’il nous fallait, nuit et jour, veiller sans aucun relâche et même au risque de toutes les autres affaires de notre royaume, quelqu’importantes qu’elles soient, à ce qu’aucun de nos sujets n’y soit rebelle. Nous agiterons aussi quelques autres matières graves, et le vrai moyen de promptement instruire étant de ne pas ennuyer, nous traiterons le tout très succinctement, mais sufisamment, ainsi qu’il suit.

 

Modèle du Catéchisme de la Calotte

Sur l’amour de Dieu

 

D – Est-on obligé d’aimer Dieu ?

R – De par notre Saint Père

Ce précepte honni

N’est plus qu’une chimère.

Envoyé au cheny, (sic)

Et toute la cabale

Qui veut qu’on aime Dieu

Par la bulle papale

N’a plus ni feu ni lieu

 

D – À quoi donc nous oblige le précepte de l’amour de Dieu ?

R – Il faut que dans notre âme

Il ne soit point haï ;

Mais de l’aimer, trédame,

C’en serait trop pour lui

Quoi, tout bien pouvant faire

Sans cet amour gênant,

Qu’avons-nous tant à plaire

À l’Être tout-puissant ?

 

D – Dites-nous sur quelles raisons et autorités vous vous fondez.

R – Jésus a pris la peine

De verser tout son sang

Pour nous ôter la gêne

D’un amour si brûlant.

C’est la sainte doctrine

De l’illustre Sirmond.

Le fameux Cabrespine

L’enseigne encore, dit-on.

 

Sur la grâce

 

D – Qu’est-ce que la grâce ?

R – L’on prétend que la grâce

Est un je ne sais quoi,

Qui d’une extrême audace

Nous fait subir la loi

Pour nous forcer sur terre

A perpétuité

De déclarer la guerre

À notre humanité.

 

D – La grâce est-elle efficace par elle-même ?

R – Non, quoi donc efficace ?

O ciel, le dogme affreux !

Que l’on dise, qu’on fasse,

Francolin pense mieux.

Certes son congruisme

De la grâce est plus beau

Et son incongruisme

Achève le tableau.

 

Sur la liberté

 

D – Que dites-vous de la liberté de l’homme à l’égard du péché ?

R – Il faut que l’on soit libre,

Ou l’on ne pèche pas ;

C’est le seul équilibre

Qui décide le cas.

La grâce plus pesante

Diminue les vertus,

Le poids du mal enchante,

On ne péchera plus.

 

Sur la concupiscence

 

D – Que pensez-vous de la concupiscence ?

R – Cette mère de joie

Me laisse en liberté

M’abandonner en proie

À la cupidité.

Oui ! ma concupiscence

Est un excellent don.

Je peux en assurance

Suivre ma passion.

 

Sur l’occasion prochaine

 

D – Que pensez-vous de l’occasion prochaine ?

R – Occasions prochaines,

Subsistez dans vos droits ;

Il faut chérir vos chaînes

Et respecter vos lois.

S’agit-il de rechute ?

Ça, la confession.

À nouvelle culbute

Autre absolution.

 

Sur la contrition

 

D – Que pensez-vous de la contrition ?

R – Avec la seule crainte

Du moindre petit mal,

On guérit toute atteinte

Au confessionnal.

Oui, certes je l’adore

La Constitution.

Le crime me dévore,

J’ai l’absolution.

 

Sur l’attention au péché


D – L’attention expresse et actuelle à Dieu et à la malice du péché est-elle nécessaire pour pécher ?

R – Du rapt, de l’adultère,

Du meurtre, du larcin,

Des forfaits de Cythère,

Jamais ne craignons rien,

Si prudemment en bête

Et sans penser à Dieu,

Nous n’avons dans la tête

Que le crime et son feu.

 

Sur les commandements de Dieu

 

D – Les commandements de Dieu sont-ils d’obligation, sans exception ?

R – Lorsque Dieu seul commande,

Un désobéissant

Sera de contrebande

En faisant le méchant ;

Mais si la conscience

A donné des avis,

Suivons en assurance

Ce qu’elle aura permis.

 

D – Expliquez plus clairement la distinction que vous faites.

R – Ayons la confiance

Qu’un précepte direct,

S’il est en évidence,

Est un guide correct ;

Mais bien mieux le réflexe

Car, dit Kasnedy, Dieu

Jamais pour lui ne vexe

En tout temps, en tout lieu.

 

Sur les Pères de l’Église

 

D – Que doit-on penser des anciens Pères de l’Église ?

R – Fi des sottes pratiques

De ces esprits bourrus,

Qui suivent les maximes

Du bonhomme Jésus.

Quelles billevesées

Que ces joujoux d’enfant !

Et fadaises usées

Des fous de l’ancien temps !

 

De fait, quelle chimère

Que les anciens canons !

En vérité ces pères

Étaient de francs oisons.

Certes ils étaient bien ivres

Avec leur charité,

Et leur fatras de livres

Sur l’orthodoxité.

 

Oui, ces visionnaires,

Dit le Père Hardouin,

Ouvrage des faussaires,

Que sont-ils ? moins que rien,

Et ces petits génies,

Au dire de Trévoux,

Farcis d’allégories

Parlaient comme des fous.

 

Qu’ils étaient admirables

De vouloir des raisons

Et d’être invariables

Dans leurs décisions !

L’Église est mieux régie

Par arrêt du Conseil.

Quelle théologie !

Que mon plaisir est tel !

 

Tous ces atrabilaires

Ne les connaissaient pas,

Aussi ces antiquaires

N’avaient-ils que des rats.

L’heureux jésuitisme

Par de meilleures lois

A mis leur fanatisme

À ces derniers abois.

 

Le pharisianisme

De la nouvelle loi,

Par le beau molinisme

Est bien d’un autre aloi.

Ô, Ciel, que de science

Dans toutes ses leçons !

Et qu’il donne d’aisance

À toutes passions.

 

Sur l’infaillibilité du pape

 

D – Le Pape est-il infaillible ?

R – Le pape est infaillible

Quand il dit : je veux, moi ;

La raison est plausible,

Sa volonté fait loi ;

Pierre fut imbécile

Et Paul fut trop adroit

Dès le premier concile

De lui rogner ce droit.

 

L’autorité du Pape

Est plus belle aujourd’hui ;

Notre Rome l’étale,

Parbleu, bien mieux que lui

Il voulait que l’Église

Réglât toutes nos lois,

Mais humble et plus soumise

Elle n’a plus de voix.

 

Pierre était un novice,

Le Pape est un profès ;

Il détruisait le vice,

Rome fait des décrets.

À toute âme rebelle

Est due punition,

Qui sur tout en appelle

Est en damnation.

 

Sur les libertés de l’Église gallicane

 

D – Cela étant, que doit-on penser des libertés de l’Église gallicane ?

R – L’Église gallicane

Avec ses entêtés

Était une profane

D’avoir des libertés.

Dès qu’il venait des bulles

Elle y mettait le nez.

Qu’elles étaient ridicules

Ses contrariétés !

 

Recommandons audit de Fleury de bien lire et relire lesdits couplets, pour en prendre l’esprit et s’y exactement conformer lorsqu’il achèvera ledit catéchisme ; enjoignons aux pères et aux mères, tuteurs et tutrices, maîtres et maîtresses, et à tous autres, sans exception, chargés de l’instruction de la jeunesse calotine, de tenir la main à ce que leurs enfants, pupilles, écoliers et écolières, et généralement tous les jeunes calotins et calotines apprennent par cœur lesdits couplets et tous les autres que ledit de Fleury y ajoutera, et pour ne le jamais oublier, ils aient à les chanter nuit et jour, matin et soir, en guise des trop vieux et usés commandements de Dieu, et par préférence à toutes autres chansons, sans préjudice néanmoins aux chansons bachiques et amoureuses, desquelles nous n’entendons aucunement abroger l’usage.

 

Article 10

 

Sur ce qu’il nous a paru que pour attirer plus de croyance, de soumission et de respect, il était important qu’il commençât faire claquer son fouet dans ladite surintendance par quelque éclat qui en imposât à tous nos sujets, voulons et nous plaît qu’au plus tard huit jours après l’enregistrement des présentes, il écrive au prestolet Soanen, évêque de Senez, et perturbateur du repos public, dont le concile d’Embrun a si compétemment et si canoniquement condamné le mandement contre le Formulaire et la Constitution Unigenitus, pour lui faire savoir nos intentions et essayer de le ramener à notre giron, à l’effet de quoi ledit Fleury lui écrira à peu près en ces termes.

 

Essai de la lettre du surintendant de la théologie de la Calotte,

à l’évêque de Senez

De ma surintendance1

Je t’écris, Soanen,

Pour t’imposer silence.

Ainsi, ne dis plus rien.

Tencin par sa science

A fait voir tes abus.

Ça donc, obéissance

Et ne raisonne plus.

 

Apprends, mon petit merle,

Sot Oratorien,

Que parmi nous la perle

De tous les gens de bien

Est la femme ou l’homme

Qui reçoit avec feu

Tous les décrets de Rome

Comme des lois de Dieu.

 

Tu voudrais qu’un concile

Devînt universel ;

Pour dégorger la bile

De ton frivole appel,

Je le dis illusoire,

Ce t’en doit être assez

À d’autres le grimoire

De tant de libertés.

 

Si jadis la couronne

S’armait de tel fleuron,

Tu me la donnes bonne

De parler en oison.

Je veux bien que tu saches

Le grand secret du temps ;

La barrette le cache,

Paix, respect et comprends.

 

Nous n’aurons plus en France

De telles libertés

Car j’ai par ma prudence

Proscrit les entêtés ;

Songe donc à te taire

Avec ta vérité,

On te va faire taire

Avec l’antiquité.

 

Si donnons en mandement à nos amés et féaux les conseillers, nos vice-régents répandus dans tout l’univers, pour l’exécution de nos ordres, et le progrès de la Calotte ; que ces présentes ils aient à faire lire, publier et enregistrer, et le contenu garder, observer et exécuter selon leur forme et teneur, nonobstant tous dire, canons, autorités, décisions et autres pareilles visions catholiques et à ce contraires, auxquelles nous avons dérogé, et par ces présentes dérogeons, et aux copies desquelles collationnées par un capucin, Picpus, Récolets, cordeliers et docteurs de la nouvelle Sorbonne, ou tel autre valet de pied dudit Fleury. Voulons que soit ajoutée comme à l’original. Car tel est notre plaisir et afin que ce soit une calotte ferme et stable. Nous avons fait mettre notre scel à ces présentes.

Donné à Constitutionopole, au mois de mars l’an de notre tradition 175 et de notre domination le 17, signé Bon Sens, et plus bas par le général de la Calotte, Bissy, visa Vintimille. Vu au conseil, Chauvelin et scellé du grand sceau de cire couleur de plomb et en lacs de mèche à brûler gris de lin et citron.

Registré, ouï ce requérant, le procureur de la Société ignatienne, pour être exécuté selon leur forme et teneur, et copie collationnée envoyée aux primaties, métropoles, évêchés, abbayes, paroisses, couvents et écoles qui en dépendent. Enjoint aux substituts du procureur général dans chaque maison du collège desdits Ignatiens d’y tenir la main et d’en certifier ledit de Fleury dans deux mois suivant l’arrêt de ce jour. À Constitutionopole, au sénat, ce jour qui sera si célèbre dans notre histoire ecclésiastique, 3 avril 1730. Signé Esclave.

 
  • 1Reproduction de $4485.

Numéro
$4318


Année
1730 avril




Références

F.Fr.12655, p.31-72 - Clairambault, F.Fr.2962, p.610-622 - F.Fr.13660, f°106-126 - F.Fr.15014, f°101r-128v - F.Fr.15144, p.267-344 - F.Fr.25570, p.469-504 - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°108r-124v - Arsenal 2962, p.610-22 - Arsenal 2975, p.61-88 - Arsenal, 3134, f°43v-57v - Arsenal, 3359, p.340-388 - BHVP, MS 664, f°224r-264v - Mazarine, 3971, p.326-415 - Sainte-Geneviève, MS 908, fol.12 -  Bordeaux BM, MS 700, f°424r-452r - Lille BM, MS 63, p.340