Brevet pour les 40 avocats
Brevet pour les 40 avocats
À vous, nos amés et féaux,
Avocats anciens et nouveaux,
Signés dans le fameux mémoire
Qui vous comble à jamais de gloire
Et dans deux consultations
Qui malgré leurs expressions
Flétries par arrêt suprême,
Montrent votre sagesse extrême
Et votre insigne habileté.
À ces causes, pour récompense
De la haute jurisprudence
Que seuls vous possédez à fond
Dans vos cerveaux vastes et profonds
Qui font si hardiment la nique
Même au tribunal despotique
Du souverain législateur
Sous un prétexte zélateur,
Nous vous commettons nos affaires
Et vous faisons dépositaires
De nos fondamentales lois
Et les défendeurs de nos droits.
Voulons que votre signature,
Mise au bas de chaque écriture,
Soit respectée en tous lieux ;
Que vos avis judicieux
Règlent tous nos sujets fidèles
Et décident de leurs querelles.
Plus, nous voulons pour contrôler
Nos arrêts les plus authentiques,
Que vous puissiez les orner
De vos sages réflexions.
De plus, nous entendons
Que si nos sages critiques
Ne s’en trouvaient par les sots [sic]
Vous en corrigiez les défauts
Et qu’ils ne soient jamais en forme
Qu’avec une telle réforme,
Que même en notre conseil privé
Rien n’en puisse être réformé.
Établissons pour vos services
Le fond d’un million d’épices
À prendre sur tous les balais
Et sur tous les rats du palais,
Ainsi que sur les araignées
Qui y sont de toutes parts logées
Dans la grande salle de Thémis
De la cité de Paris
Où la noire chicane exhale
De son sein l’odeur infernale
Par le plus affreux hurlement
Devant le premier parlement.
Ordonnons enfin que vos crânes,
De nos oracles les organes,
Par notre marotte ajustés
Soient pompeusement décorés
De deux girouettes, une en groupe,
De vos bonnets forment la houppe
Avec papillons et grelots,
Et que tous attributs falots
Sur vos robes brillent en foule.
Fait le jour qu’on remit en moule
La double consultation
Dont ci-dessus est mention,
Que de Noisy la comédie
Dans Poinson seul fut applaudie
Et que l’intérêt triomphant
Parut sous le nom d’un enfant
Quoiqu’il fût d’un quinquagénaire,
Fameux critique littéraire
Qui fait consister la vertu
À l’empêcher d’être pendu,
Et qui sur le théâtre étale
Pompeusement cette morale
Par la bouche d’un gros caissier
Qu’admire un vulgaire grossier.
Signé par Momus, votre sire,
Qui ne songe jamais qu’à rire.
Lille BM, MS 62, p.8-13