Brevet de grand maître d’hôtel pour M. l’archevêque de Paris
Brevet de maître d’hôtel du Régiment de la Calotte
pour Monsieur l’archevêque de Paris
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
À nos sujets faisons savoir
Que dans le dessein de pourvoir
À l’honneur de notre cuisine,
Temple de l’hospitalité,
Jadis par Torsac si vanté,
Et d’extirper toute lésine
Et honteuse frugalité,
Prenons pour imbécillité
Tout effort d’une âme vulgaire,
Excès de stérile vertu
Qui rejette le superflu
Et se ramène au nécessaire,
Ou, pour en parler autrement,
Voulons qu’on traite d’hérétique
Ces visages de sacrements
Ces fantômes, mines étiques,
Qu’un volontaire aveuglement,
Une cruelle résistance
Aux ordres du tempérament
Consacrent à la pénitence.
Demandons pour le Régiment
Non des âmes illuminées
Mais des faces enluminées,
Et pour en sauver de tout point
Et l’allégresse et l’embonpoint,
Momus, en père de famille
Et jaloux de se montrer tel,
Nomme Gaspard de Vintimille
Pour grand-maître de notre hôtel.
Volupté, gourmandise innées
Par l’usage en lui raffinées,
Dons si chers du dieu des festins,
Vertus des prélats calotins,
Soyez enfin les bienvenues
Et de longtemps ne nous quittez.
Hélas, vous étiez inconnues
Dans les murs que vous habitez !
Au goût de trop d’austérité
Succèdent le luxe et l’abondance.
Gaspard, bientôt, par sa prudence
Va rétablir nos libertés.
N’entendons pourtant le distraire
De son état, mais au contraire
Les embarras et les soucis
N’en seront que mieux adoucis.
Il peut, comme chose sortable,
Tenir même un concile à table
Et du rachat du genre humain
Décider le verre à la main.
Qu’avec le nectar qu’il demande,
Libre d’une folle terreur,
Il avale à longs traits l’erreur
Et sable jusqu’à la Légende.
Que d’un si digne commensal
La bonne humeur parfois s’échappe,
Qu’il porte la santé du pape
Et celle du Roi son vassal.
Sur les questions dogmatiques,
N’étant encore qu’à l’alphabet,
Qu'il réfute d’un quolibet
Les vérités évangéliques ;
Et que là, comme en un donjon,
La joie à son gré le transporte ;
Qu’il mange écrevisse, esturgeon,
Tandis que Lazare à sa porte
Est en proie aux vives douleurs
Et de l’eau seule de ses pleurs
Apaise la faim la plus forte.
À ces causes, nous lui triplons,
Pour couvrir ses faux cheveux blonds,
Calotte de plomb des mieux faites
À l’égard des rats et sonnettes,
Lune, grelots, riants octrois.
Qu’il s’en serve si bon lui semble.
Mais tels ornements et la croix
Ne peuvent s’allier ensemble.
Nous lui permettons seulement
De la porter au Parlement.
Si pour le fond de la dépense
Il faut une autre récompense,
Aussi bien que pour ses menus,
Par une grâce sans pareille
Sur les contes bleus de Marseille
Nous déléguons ses revenus.
En outre, en recherchant la piste
De la gazette janséniste,
Que des auteurs, s’ils sont connus,
Les profits lui soient retenus.
Prétendons encore de plus
Que par intrigues pastorales,
Comme aussi par notre canal,
Il ait chapeau de cardinal
Au lieu des vertus cardinales
Espérance, foi, charité.
Dans cette haute dignité
Lui remettons pour reconnaître
Un zèle aussi peu démenti
De mettre la grâce en parti
Et le sang de son divin maître.
Fait en l’année où tout en rut
Sous une sainte modestie
Marie à la Coque parut,
Et l’Écriture travestie,
Mise en jargon de mauvais lieu,
Devint le langage de Dieu.
1732/1735, III, 97-100 - 1752, III, 97-100 - F.Fr.10286 (Barbier), f°184-85 - F.Fr.12785, f° 191r-192r - F.Fr.12800, p.340-44 - F.Fr.15014, f° 149r-153v - F.Fr.15144, p.85-92 - F.Fr.25570, p.549-53 - Nouv.Acq.Fr. 2485, f° 81r-82v - Nouv.Acq.Fr. 2485, f° 89r-90r - Nouv.Acq.Fr. 4773, f° 19r-21r - Arsenal 2975, p.54-55 - Arsenal 2976, p.120-24 - Arsenal 3134, f°57v-59v - BHVP, MS 602, f°92r-93v - BHVP, MS 664, f° 193r-197r - Mazarine, 3971, p.257-65 -Avignon BM, MS 1236, p.296-99 - Bordeaux, BM, 693, p. 653-57 - Bordeaux, BM, 700, f° 468v-471v - Epernay, BM, 24 - Grenoble, BM, 587, f° 159r-161r - Lyon, BM, 752, f° 9r-10v - Lyon, BM, 1513, f° 10r-12r - Toulouse BM, MS 861, p.95-98