Brevet de la calotte en faveur du Sieur Grégoire
Brevet de la calotte en faveur du Sieur Grégoire
De par le dieu porte-marotte,
Nous, intendant de la calotte,
Du général ayant pouvoir,
Aux calotins faisons savoir
Que, désirant qu’avec justice
L’on récompense le service
Que Grégoire, cet innocent,
Rend tous les jours au régiment,
À ces causes, pour reconnaître
Le zèle qu’il a fait paraître
Dans ses écrits impertinents
Formés en dépit du bon sens,
Convaincu de son ignorance
Et connaissant que dans la France
Il n’est plus petit sujet,
Nous ordonnons à cet effet
Qu’on affichera dans la ville
Les vers où son génie brille.
Lui mandons calotte de plomb
Pour salaire de sa chanson.
De plus, instruit par nos jésuites
Qu’il est le fléau des jansénistes,
Qu’il crie et dit à chaque instant :
Père Girard est innocent.
Quoi, doit-on se persuader
Que ce saint homme ait pu manquer ?
Non, non, je ne le saurais croire.
En vain veut-on ternir sa gloire.
Charmé de ce raisonnement
Qui nous montre son peu de sens,
Nous ordonnons par ces présentes
Qu’on lui accorde les patentes
De l’emploi que nous lui donnons.
Item, commandons et voulons
Pour le distinguer du vulgaire
Qu’il soit garçon apothicaire,
Pour pouvoir en cas de besoin
De Girard épargner le soin.
Nous plaît que chaque personnage
Qui de clystère fait usage
Donne par an un carolus.
Ce seront là ses revenus.
L’avertissons que des fillettes
Il n’approche qu’avec lunettes.
Défendons d’y contrevenir,
Car tel est notre bon plaisir.
Fait à ce jour, au mois, en l’année
Où Thémis, presque abandonnée,
Se déshonorant à jamais
De Girard soutint les forfaits.
Turin, p.90-92