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Brevet d’aumônier de la Calotte pour Mgr l’évêque de Bayeux

Brevet d’aumônier de la calotte pour Mgr**,  évêque de Bayeux

De par Momus, qui fait la nique

À tous célèbres fanatiques,

Nous, Général des calotins,

Salut à tous nos fagotins.

Vu requête, à nous présentée

Par le fiscal, tête éventée,

Tendante à ce qu’au Régiment

Il soit pourvu présentement

D’un aumônier pour nous instruire

De façon à nous faire rire.

Sur quoi, remontrait l’exposant

Qui, sans chercher aucun savant,

Sans courir ni côté ni d’autre,

Nous pouvions choisir un apôtre

Propre à cet emploi glorieux

En nous adressant à Bayeux.

Qu’on y trouve un grand capitaine,

À qui la peur pour la bedaine

Fit graver sur son coutelas

Qu’homicide point ne seras

Et n’osant plus porter les armes

Sans s’exposer à des alarmes,

Il a repris son vieux latin.

Ma foi, c’est jouer au plus fin.

Déjà tout rempli de doctrine,

Il fait prêcher par Tournemine,

Qu’on doute par bonnes raisons

Des livres saints que nous lisons.

Mais ce qui doit plus nous en plaire,

C’est qu’armé d’un ton militaire

Il fait refuser à la mort

Les sacrements à qui n’a tort,

Traitant d’orgueilleux, d’anathème,

De schismatique qui blasphème,

Un saint dont la sainteté

S’attachait à la vérité.

S’il était tel pendant sa vie,

Qu’à sa mort on le calomnie,

Pourquoi ne l’avoir empêché

De célébrer ou de prêcher ?

C’est donc ou fureur ou délire

Qui fait conclure à ce bon sire.

Point de lieu saint pour l’enterrer.

Mais le public le fait serrer,

Car, bien que pour la sépulture

Il n’ait permis qu’une encoignure,

C’est pourtant dans les lieux saints.

Tous ses discours étaient donc vains.

C’est en droit même, sans feintise,

Le fondement de son Église,

Ce qui fit dire à Catillon

Que le fondement en est bon.

Aussi la prudence blessée

Du peuple vint fendre la presse,

Pour assister dévotement

À ce lugubre enterrement.

Le pauvre y regrettait son père,

Le clergé pleurait sa lumière,

Et les marquis ont envoyé

Vers le chapitre [?]

Le remercier de son absence

Qui n’a point causé d’indécence.

Tout ce saint peuple est réjoui

De ce qu’on a pris ce parti.

Mais pour revenir au comique

Que notre fiscal revendique,

C’est la conduite du prélat

Qui parmi nous a fait éclat.

Comme le paraît par la requête,

Après la très exacte enquête

Des faits ci-dessus énoncés,

Qui se trouvent bien attestés.

Nous voulons donc par ces présentes,

Qui lui servent de patentes,

Que nous ayons pour aumônier

Cet ancien arbalétrier,

Et nous mandons en conséquence

De lui rendre l’obéissance

Qu’on doit à cette dignité

Dans le régiment calotté

Que nous devons à la Marotte.

Pour la conserver sous plomb

Et pour lui déléguer un fond

Qui lui tienne lieu de salaire,

Nous ne croyons pouvoir mieux faire

Qu’en confisquant à cet effet

Les biens de ceux qu’il a défaits

Par le tranchant du cimeterre

Qu’il portait en homme de guerre,

S’il eût dégainé par bonheur

Le jour qu’il perdit son honneur

L’an trente après mil et sept cents

Le jour qu’il perdit le bon sens

Fait au régiment de la lune

Signé par Momus. Rochebrune.

Numéro
$4230


Année
1730




Références

F.Fr.12785, f 142r-143v