Brevet à Mr. Hérault, lieutenant de police
Brevet, à M. Hérault, lieutenant de police
Momus, dont le joyeux empire
S’étend sur tout le genre humain,
Voyant que de la police on tire
Ravot qu’il y mit de sa main,
Voulut, par un dépit malin,
Qu’il fût remplacé par un pire.
Il fit chercher en maint endroit
Gibier plus propre à la satire,
Homme de crâne plus étroit,
Et qui partant, à meilleur droit,
Se pût pour cet office élire.
Lors, d’un subit éclat de rire,
Calotins en chorus moqueur,
Dirent qu’Hérault était un sire
Digne en tout point de cet honneur,
Que, magistrat fait à la hâte,
Il avait, dans plusieurs emplois,
Assez épanoui la rate
De tous les Calotins narquois ;
Qu’en fadaises, vieilles et neuves,
Il avait déjà fait ses preuves
Et nous égayerait aux dépens
De ses trop burlesques talents.
Que, s’il faut qu’en place on installe
Ce magistrat très éminent,
On verra sortir de sa malle
Les plus beaux faits du Régiment.
Tel sera le secret utile,
Qu’il n’aura pas tiré du Grec,
De faire par toute la ville
Des crottes pendant le temps sec.
Item, mainte autre extravagance,
Prouvant trop bien sa suffisance,
Et sur quoi même, un moins timbré,
À la Calotte eût aspiré.
Mais, ce qui mieux nous l’associe,
C’est, disaient-ils, l’antipathie
Que pour femelle il eut toujours,
À Paris aussi bien qu’à Tours,
Où de son mieux il presse et vexe
En cent façons le pauvre sexe,
Pour qui son éducation
Lui donne louable aversion.
Ces grands talents réduits en somme,
Par Saint-Martin au divin Môme,
Ce Dieu, sur un commun avis,
A prononcé, d’une voix claire
Qu’entrecoupaient parfois les ris :
Je veux que Police se gère
Par notre très féal Hérault
Non pas Héros, foudre de guerre,
Mais, Hérault, nom sonnant moins haut,
Diminutif de pauvre hère,
Constipé, dur, atrabilaire,
Cerveau creux, niche de chimère,
Hypocondre, surtout lunaire,
Et partant, tel qu’il nous le faut.
Voulons qu’il aille faire rage,
Au second et troisième étage ;
Et même encor plus haut, s’il veut,
Pour s’avoisiner davantage
De la lune qui tant le meut.
Défenses à tout personnage
De laisser choir sur son corsage
Croquignole ou coup de bâton.
Voulons que cet Aliboron
Librement, dans toutes les rues,
Puisse promener ses bévues ;
Que sur les avis, vrais ou faux,
De ses maroufles de suppôts,
Il emménage à la Police
Toutes celles qu’il lui plaira,
Et puis là, Messer le Jocrisse
Dévotement les prêchera.
Que grâce à son fanatisme,
En vrai Galopin du Papisme,
Il poursuive tous les rébus
Faits contre l’Unigenitus.
Voulons qu’à l’effet des présentes,
Son illustre chef soit paré
De trois calottes pondérantes,
Par où soit bien claquemuré
Son cerveau pour qu’il ne s’évente.
Lui donnons, en outre, une rente
Sur chaque seau qu’il fait verser
Pour les passants éclabousser.
Item une hypothèque sûre
Sur nombre de successions,
Dont il peut faire encore capture
Par adroites contorsions,
Dont on vit jadis à Marseille
Eumolpe enseigner le métier ;
En faisant bien baisser l’oreille
À tout légitime héritier.
Enjoignons à nos subalternes,
Dans les cafés et les tavernes,
De respecter le Tourangeau,
Comme Calotin du grand sceau
Et d’adopter ses balivernes.
Fait à Paris, le douzième août,
Et signé, le paraphe au bout.
1732/1735, III,58-61 - 1752, III,58-61 - F.Fr.9353, f°177v-178v - F.Fr.12785, f°14r-17v - F.Fr.15016, f°54v-56v - F.Fr.25570, p.370-372 - Arsenal, 2935, f°250r-251v - Arsenal, 3359, p.236-239 - BHVP, MS 664, f°24r-28r - Mazarine, 3971, p.61-68 - Bordeaux BM, MS 693, p. 619-621 - Bordeaux BM, MS 700, f°388r-391v - Grenoble BM, MS 587, f°51v-53r - Lille BM, MS 63, p.346-352